Que retenir sur la procédure d’injonction de payer en droit judiciaire congolais ? (What to remember from the order for payment in Congolese judicial law ?)
Par
MULENDA KABADUNDI Eddy
Magistrat et Premier Substitut du Procureur de la République, Enseignant- chercheur /RD Congo, Chef de Travaux à l’Université Libre de Matadi

La procédure d’injonction de payer est une invention ingénieuse du législateur communautaire de l’Ohada, qui répond à une nécessité d’équilibrer les débats entre le créancier qui estime que sa créance certaine, liquide et exigible, mérite un recouvrement sans délai et le débiteur qui, parfois n’a pas les moyens de se faire entendre ou d’opposer ses arguments à cette entreprise unilatérale, qui est menée des mains de maître par le créancier devant la juridiction compétente qui est le Président de la juridiction, qui deviendra par la suite, le Tribunal dont relève ledit Président en cas de recours en opposition. C’est une révolution substantielle des règles tant de forme et de fond, en matière de recouvrement des créances d’origine contractuelle ou cambiaire en République Démocratique du Congo, introduite par l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et de voies d’exécution. La complexité de cette procédure qui se situe dans l’obligation de combiner la loi nationale et le droit communautaire de l’Ohada, est la motivation suffisante qui nous anime pour pouvoir offrir au monde scientifique, la présente réflexion, afin de permettre à nos différents lecteurs d’avoir une vue panoramique sur l’essentielle et la nécessité de ladite procédure. Mots- Clés : Injonction de payer- institution- décisions- recours – exécution des décisions. 0. Introduction Le 12 Septembre 2012, restera à jamais une date gravée dans les mémoires des juristes congolais, pour la bonne et simple raison que, notre pays, la République Démocratique du Congo, connaissait le début de l’application du droit de l’Ohada et ce, dans les matières que les Etats- partis au Traité OHADA avaient voulu insérer sur la liste de droit des affaires. C’est un tournant grave pour le Droit congolais dans les matières régulées par les Actes uniformes de l’Ohada, avec comme conséquence, l’impérieuse nécessité pour les acteurs judiciaires et juridiques de se conformer aux prescrits de la novelleté législative. En effet, l’apprentissage douloureux de cette nouvelle législation, a plongé notre pays dans une impasse, avec toutes les conséquences fâcheuses qui s’en sont découlées et ce, pour diverses raisons, notamment le manque de formation éprouvée dans le chef des opérateurs judiciaires et juridiques à savoir : les magistrats, les avocats, les défenseurs judiciaires, les jurisconsultes, les conseillers juridiques, etc. ainsi que les justiciables, des règles édictées par cette nouvelle législation (E. Mulenda Kabadundi : 2022). Dans les cours et tribunaux, il a été constaté un tsunami procédural, car, chacun des opérateurs judiciaires interprétait le droit de l’Ohada à sa manière. Sans crainte d’être contredit, l’Acte uniforme portant procédure simplifiée de recouvrement et des voies d’exécution, est l’un des Actes uniformes qui a connu un succès sans précédent dans les Etats partis et ce, pour plusieurs raisons que nous catégorisons en deux volets à savoir : la matière sur laquelle il porte, qui obéît à la pure logique du droit des affaires qui est celle de la gestion de l’argent d’autrui mettant sur pied le couple obligataire (créancier- débiteur) d’une part et d’autre part, son établissement dans les Etats partis comme droit commun de recouvrement et des voies d’exécution en remplacement des dispositions vétustes de différents Codes de procédure civile du continent Africain, qui, par principe, sont l’héritage brutal de la colonisation. Il convient de retenir que contrairement aux autres Actes uniformes qui, dans leurs dispositions finales, se bornent à abroger les dispositions contraires applicables dans les Etats partis, l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu’il concerne dans les Etats partis. En abrogeant toutes les dispositions internes, qu’elles soient ou non contraires, les rédacteurs de cet Acte uniforme ont voulu un ensemble clos et fermé renfermant toutes les règles ayant vocation à s’appliquer aux matières qu’il concerne, à savoir les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. La Cour Commune de Justice est d’Arbitrage, CCJA en sigle, rappelle souvent qu’il résulte de la combinaison des dispositions de l’article 10 du Traité et de l’article 336 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution que les dispositions du droit national portant sur le même objet que ledit acte uniforme, ou qui lui sont contraires sont abrogées au profit des dispositions du droit uniforme. Il en découle, à l’instar des dispositions communautaires qui pénètrent dans l’ordre juridique interne sans le secours d’aucune mesure nationale (CJCE, 1968), que les Actes uniformes ont une vocation à l’applicabilité directe, en faisant irruption dans les droits internes des Etats membres. L’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution contient aussi bien des lois de fond que de procédure qui, en la matière, ont seules vocations à s’appliquer dans les Etats parties (CCJA, n°012/2002). L’analyse méticuleuse de cet Acte uniforme permet de faire constater que, très souvent, les règles édictées ne peuvent accéder à une vie juridique autonome ; leur articulation avec la loi nationale des Etats partis est inévitable compte tenu des innombrables renvois qui sont tantôt explicites, tantôt implicites. Il suffit pour s’en convaincre de se référer aux règles applicables aux différentes procédures simplifiées qui font l’objet de la première partie de l’Acte uniforme sous examen. Dans la plupart de ces règles, le législateur communautaire utilise des formules ou des institutions que l’on peut comprendre et mettre en œuvre qu’en s’appuyant sur les Codes de procédure ou les lois particulières en vigueur dans les Etats partis. L’utilisation, par exemple, de l’expression « juridiction compétente » sans autre précision, oblige l’interprète qui cherche à résoudre les problèmes de compétence d’attribution à se tourner vers les textes internes sur l’organisation judiciaire. Ainsi, c’est cette obligation de combiner la loi nationale et le droit communautaire qui rend difficile la question des procédures simplifiées de recouvrement. Les règles applicables à l’injonction de payer sont d’autant plus complexes qu’elles sont complètement renouvelées aujourd’hui. En effet, les rédacteurs de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution ont non seulement procédé à une refonte des règles jusque- là applicables à la matière, mais ils ont aussi introduit de nouvelles. Soucieux de faire connaitre tant au monde scientifique, professionnel que social les différentes évolutions juridiques en terme des procédures et de structures, nous nous sommes obligé de mener cette réflexion qui aura sans doute le mérite d’être considérée comme un matériel didactique ou mieux un guide pratique dans la matière relative à l’injonction de payer en droit de l’Ohada. En effet, c’est dans une perspective juridique, analytique et structuro- fonctionnelle que nous allons atteindre scientifiquement le but susvisé en scrutant les différents actes uniformes de l’Ohada, avec un accent particulier sur la science juridique. La technique documentaire utilisée par nous permettra d’assurer tant scientifiquement que juridiquement le contenu de la présente étude. Pour rendre compréhensive la présente étude, nous l’avons subdivisé en quatre points à savoir : l’institution de la procédure d’injonction de payer (1), la décision de l’injonction de payer (2), les voies de recours contre la décision d’injonction de payer (3) et l’exécution de la décision de l’injonction de payer (4), outre l’introduction et la conclusion.

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