Que dit le Droit congolais sur les malades mentaux : responsabilité ou irresponsabilité de dommages causés par les malades mentaux ?
Par
OMBUM SIELELE Cédric
Assistant à la Faculté de Droit de l’Université de Lubumbashi

Partant de l’ordonnance-loi n° 11-83 du 14 février 1959 portant logement des individus dont la libre circulation offrirait du danger pour eux-mêmes ou pour autrui, qui est d’une vétusté incontournable, en passant par quelques dispositions du code de la famille, nous citons ici les articles 298 à 309 et 713, le régime de protection et de la responsabilité des malades mentaux se retrouvent sur les béquilles d’un législateur manifestant un tâtonnement qui n’a pas de nom. L’effort de la loi n° 15/022 du 31 décembre 2015 modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant code pénal ne suffit pas toujours pour parler du régime de protection de malades mentaux en Droit congolais. Ainsi le postulat posé par cette étude n’est rien d’autre que celui d’engendrer une législation unique et spécifique sur la question de malades mentaux, à défaut, adapter les dispositions de différents codes susmentionnés à l’évolution de la neuroscience en vue d’une protection efficace des malades mentaux et d’un régime de responsabilité de ces derniers. Mots Clés : Malades Mentaux-Régime De Protection- Régime De Responsabilité Civile Et Pénale. INTRODUCTION Beaucoup d’études ont essayé de parler de la maladie mentale. Mais elles ont abordé cette question sous forme soit d’une étude psychologique, sociologique ou encore anthropologique. Le Droit est omniprésent («Ubi societatis, ibi ius»). Il entoure, il encadre, chaque moment de la vie quotidienne. Plus largement, le Droit façonne l’ensemble des aspects de la vie sociale : les relations des couples, de famille, de voisinage, de travail et même les relations entre les Etats. La présente étude veut saisir les aspects juridiques de la maladie mentale. Notons à ce niveau que le concept maladie mentale ne trouve pas totalement la lettre de la législation congolaise. En cette matière le législateur congolais est éparpillé. Tantôt il parle d’altération durable des facultés mentales par une maladie (article 298 du code de la famille) ; tantôt encore il parle de la démence ou de l’imbécilité (article 300 du code de la famille) ; tantôt enfin il parle tout simplement d’une maladie ou d’une déficience (Article 23 bis de la loi n° 15/022 31 Décembre 2015 modifiant et complétant le Décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal). Cela laisse entendre que le Droit des malades mentaux en République Démocratique du Congo est encore embryonnaire et cacophonique comme discipline. Dans toutes ses tentatives de protection des malades mentaux, le législateur congolais se plonge lui-même dans un trou béant, disons mieux, il se retrouve dans une chambre noire cherchant un chapeau noir. Si dans d’autres Etats (la France, la Belgique et le Gabon) la question de l’irresponsabilité pénale et civile du malade mental est traitée dans un code spécifique, en République Démocratique du Congo il faut se référer encore aux dispositions légales contenues dans différentes lois. Cela ne favorise pas souvent la protection de ces personnes qui commettent aussi des infractions et ont besoin d’être protégées par la législation comme c’est le cas pour les enfants en conflit avec la loi qui ont, depuis 2009, bénéficié d’une loi portant protection de l’enfant. Partant de ce constat, nous posons le problème qui concerne l’insuffisance de la législation congolaise sur les malades mentaux. Il est vrai qu’au sujet des malades mentaux, le Droit congolais ne souffre pas d’un vide juridique. Il y a l’ordonnance-loi n° 11-83 du 14 Février 1959 portant logement des individus dont la libre circulation offrirait du danger pour eux-mêmes ou pour autrui ; également les articles 298 à 309 et 713 du code de la famille qui abordent la question de l’autorité domestique et celle du régime de protection des malades mentaux. Toutefois, l’analyse de ces dispositions prouvent qu’elles sont insuffisantes et inefficace par rapport à l’évolution de la neuroscience. Les rues des villes de la République Démocratique du Congo sont remplies des personnes malades mentales qui représentent quelque fois un danger pour la population. La dangerosité dont question se comprend parfois dans le cadre de probité morale. Mais n’y retirons pas non plus l’hygiène et la sécurité de la population qui sont dérangées par ces personnes. Leurs tenues vestimentaires dérangent quelques fois les bonnes mœurs. Les malades mentaux se trouvant dans la rue, vivent dans des conditions hygiéniques qui dérangent la salubrité publique. Quelques un présentent un état d’agressivité. A cet état, ils présentent un danger pour autrui. Partant de ces différents problèmes, nous tentons de comprendre la posture de notre législation à l’égard de ce problème de notre société ? également comment élaborer un régime efficace de protection (hospitalisation ou hébergement) et de responsabilité des malades mentaux en Droit congolais ? Ainsi il faut noter que l’objectif de cette communication est triple : - Démontrer comment l’absence d’une loi spécifique portant protection des malades mentaux constitue un danger pour ces personnes et comment cela les expose aux diverses discriminations dans la société ; - Analyser quelques dispositions sur les malades mentaux et démontrer leur insuffisance - Enfin proposer une issue juridique plausible pour cette catégorie des personnes. Pour arriver à ce triple objectif, nous avons utilisé une dialectique qui nous a permis d’analyser la question des malades mentaux tout en abordant leur irresponsabilité pénale et civile dans une législation congolaise limitée de tout bord. Cela veut que nous puissions en premier lieu analyser le concept maladie mentale ; en suite décortiquer l’absence d’une loi spécifique portant protection des malades mentaux ; enfin proposer une issue juridique pour la responsabilité des malades mentaux. I. DE LA MALADIE MENTALE Il y a des notions délicates à définir, tant le Droit et la psychiatrie les envisagent différemment, et tant les progrès de la science pénètrent la matière. Le champ médico-légal, comme le relevait déjà Michel Foucault, est porteur d’un paradoxe dès lors que l’on tente de le saisir, résidant dans « le contraste entre la stabilité des termes juridiques et la mobilité des notions psychiatriques, alors même qu’ils sont dans un couplage, une correspondance » (FOUCAULT M., 1994, ). L’Organisation mondiale de la santé définit la santé mentale comme : « un état bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » (OMS, 2001). Il s’agit donc « … d’un état de bien-être dans lequel la personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et fructueux et contribuer à la vie de sa communauté ». La maladie mentale quant à elle, est définie, comme « un syndrome comportemental ou psychologique cliniquement significatif, survenant chez un individu et associé à une détresse concomitante ou à un handicap ou à un risque significativement élevé de décès, de souffrance, de handicap ou de perte importante de liberté… » (Institut américain de psychiatrie, 2003, ). Eu égard à ces définitions de la santé mentale et de la maladie mentale, il est important de souligner que la personne atteinte d’une maladie mentale a perdu cet état de bien-être qui permet de se sentir un membre à part entière de sa communauté et d’y exercer un rôle productif et valorisant. Au contraire, elle peut vivre un état de détresse important et voir restreindre ses habiletés personnelles, sociales, familiales, comportementales et communautaires. « Les maladies mentales, aussi appelées ‘troubles mentaux’, sont diagnostiquées sur la base des symptômes présentés et sont traitées par une ou des actions thérapeutiques pouvant comprendre, entre autres, un traitement dans un hôpital psychiatrique ou dans la communauté, selon la gravité de la maladie et de ses répercussions sur la personne et sur son entourage » (OUELLET LUCIE, 2012. p. 10.). Après cette esquisse définitionnelle de la maladie mentale, nous pensons qu’il est important de pouvoir analyser ce que dit le Droit congolais au sujet des malades mentaux. II. Ce que dit le Droit congolais sur les malades mentaux La législation congolaise au sujet de la maladie mentale est embryonnaire comme nous l’avons mentionné ci-haut. En matière pénale, par exemple, la question de l’exonération de la responsabilité des malades mentaux a beaucoup évolué. Si jadis elle était régie par la jurisprudence, on peut dire actuellement que le législateur congolais a fait un grand pas pour accomplir des avancées positives dont nous pouvons saisir la quintessence dans le présent point. II.1. LES TRACES DE LA JURISPRUDENCE Le droit pénal congolais a jadis laissé à la jurisprudence le soin de règlementer la problématique de la responsabilité pénale des malades mentaux. C’est ainsi qu’on parle d’une part des causes de non imputabilité et d’autre part des causes de justification. 1. LES CAUSES DE NON IMPUTABILITE Parmi les causes de non imputabilité, la jurisprudence congolaise prévoyait la minorité d’âge, la démence, l’ivresse ou l’intoxication fortuite, la contrainte, l’ignorance et l’erreur. Nous voyons déjà à ce niveau que la jurisprudence parle tout simplement de la démence, qui est en soi une des maladies mentales. Toutefois, il faut noter qu’en parlant de la démence comme cause de non imputabilité, la jurisprudence désigne la maladie mentale. C’est un aspect qui fera objet de critiques dans cette étude. Actuellement il faut noter une certaine évolution. C’est ainsi que Ngoto Ngoie Ngalingi estime que « le délinquant n’encourt pas de plein droit la sanction prévue par la loi du seul fait qu’il a commis une infraction (…). Le droit pénal moderne ne punit l’auteur ou le complice de l’infraction que pour autant qu’il est reconnu pénalement responsable par le juge. Il existe certaines causes qui suppriment la responsabilité pénale de l’auteur de l’infraction. Il y a lieu de distinguer les causes objectives de non responsabilité (ou faits justificatifs) et les causes subjectives de non responsabilité (ou faits justificatifs) et les causes subjectives de non responsabilité (ou causes de non imputabilité. Les premières, qui sont extérieures à la personne de l’agent, ont un caractère objectif et opérant in rem. Elles ôtent la criminalité de l’acte et par conséquent font disparaitre l’infraction à l’égard de tous, auteurs et complices. Les secondes, qui tiennent à la personne de l’agent, ont un caractère subjectif et opèrent in personam. Elles sont liées à la culpabilité de l’agent et ne font disparaitre que la responsabilité pénale de celui qui peut personnellement les invoquer, et les coauteurs et complice demeurant responsables » (NGALINGI, 2018). Cet auteur ne parle pas de la démence. Il préfère le terme délabrement mental. Et il démontre que de nos jours l’expression délabrement mental nous parait plus approprié. Ainsi parmi les causes de non imputabilité il faut considérer : l’absence de discernement, la contrainte irrésistible, l’erreur invincible et la minorité. 2. LES CAUSES DE JUSTIFICATION L’ordre de la loi et le commandement de l’autorité légitime, la légitime défense, l’état de nécessité et le consentement de la victime sont là les éléments qui constituent les causes de justification en jurisprudence. Il est actuellement difficile de faire cette dualité : cause de justification et cause de non-imputabilité. II.2. LA REFORME : LOI N° 15/022 DU 31 DECEMBRE 2015 MODIFIANT ET COMPLETANT LE DECRET DU 30 JANVIER 1940 PORTANT CODE PENAL Actuellement, le Droit pénal congolais a considérablement évolué. Il est dorénavant prévu à travers la loi du 31 décembre 2015, des causes d’exonération de la responsabilité pénale. Une personne est pour ce fait exonérée de la responsabilité pénale si au moment de l’infraction « il souffrait d’une maladie ou d’une déficience qui le privait de la faculté de comprendre le caractère délictueux ou la nature de son comportement ou de maîtriser celui-ci pour le conformer aux exigences de la loi » (Article 23 bis de la loi n° 15/022 31 Décembre 2015 modifiant et complétant le Décret du 30 janvier 1940 portant Code penal). Cette réforme du Droit congolais requiert une large compréhension. Pour cela nous expliquerons d’abord le terme maladie ou déficience dans l’entendement de cette disposition ; ensuite nous parlerons de la responsabilité pénale et civile des malades mentaux. II.2.1. LA MALADIE OU LA DÉFICIENCE Le législateur ne spécifie pas la maladie mentale qui doit exonérer de la responsabilité. Il souligne toutefois qu’il s’agit d’une maladie qui prive à l’individu toute capacité de comprendre le caractère infractionnel de l’acte. Peu importe qu’il fasse ou non l’objet d’un traitement. La seule chose qui compte c’est qu’il ait existé au moment même de la commission de l’infraction. Si le caractère privant l’individu la capacité de comprendre le caractère infractionnel survenait après la commission de l’infraction, elle-même commise dans une période de lucidité, les poursuites seraient suspendues. Et l’individu malade mental devra être acquitté. Cet acquittement tient lieu par le fait qu’il n’est pas concevable d’engager la responsabilité d’une personne folle au moment des faits, il n’est pas non plus concevable de juger une personne incapable de comprendre ce qu’elle a fait et la procédure dont elle fait l’objet. Toutefois, il faut noter qu’en lisant cette disposition, nous nous rendons compte que nous sommes en présence d’une législation qui ne suit pas l’évolution de la neuropsychiatrie. Elle parle en général d’une maladie ou d’une déficience au lieu d’utiliser une terminologie qui est celle de la psychiatrie moderne c'est à dire celle de la folie, soit le fait de lésions organiques accidentelles ou congénitales établies scientifiquement. La législation congolaise ne précise pas des maladies spécifiques qui peuvent exonérer la responsabilité pénale de l’individu. Le danger est que l’on pourrait être tenté d’acquitter pour raisons de céphalée chronique. Mais nous pensons que l’absence d’une classification de maladies mentales par le législateur veut laisser à chaque juridiction le pouvoir de commettre l’expert pour déterminer si l’individu a perdu ou non la capacité de comprendre le caractère délictuel de son acte. Alors qu’il devait être précis déjà en démontrant par exemple qu’un schizophrène doit être exonéré de sa responsabilité pénale et quelqu’un qui souffre de céphalée chronique ne peut pas l’être par exemple. En fait la dynamité de la maladie mentale ne permettrait pas une telle position au législateur. Car certaines maladies mentales peuvent être assorties de caractères agressifs d’autres non. Et le régime de la responsabilité est vaste à l’égard de ce caractère changeant et évolutif de la maladie mentale. II.2.2. LE CONTOUR DE LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DU MALADE MENTAL La réception de la maladie mentale par le droit pénal a varié au fil des siècles, à mesure que les mentalités évoluaient et que de nouveaux principes trouvaient leur traduction dans notre Droit. La clé de voûte de la réponse en la matière réside dans le concept de responsabilité ou d’irresponsabilité pénale que nous avons précédemment présentée. Etre responsable pénalement signifie l’obligation de répondre des infractions commises et de subir la peine prévue par la loi pénale qui les réprime. Notons tout de même que la responsabilité pénale suppose la culpabilité et l’imputabilité. La première est établie lorsqu’est commise une faute constituant l’élément moral de l’infraction. La seconde renvoie à la possibilité de mettre la faute au compte de celui qui en est l’auteur, supposant donc une conscience et une volonté libre (LOPEZ MORA Laetitia, 2010, p. 3.). Comme on le voit il est important de comprendre la notion de l’infraction. Mais cette étude ne se veut pas une étude de définition, il est plutôt important de comprendre la question d’exonération de la responsabilité pénale comme la suppose la réforme du code pénal. La ratio legislandi de cette loi est tout simplement que seuls les individus jouissant de leur libre arbitre au moment des faits pourront être jugés pénalement responsables et le législateur a donc prévu ces trois causes d’exoneration de la responsabilité : la maladie ou la deficience, l’intoxication involontaire, la contrainte, l’erreur (Article 23 bis de la loi n° 15/022 31 Décembre 2015 modifiant et complétant le Décret du 30 janvier 1940 portant Code penal). Comme on le voit, ce principe qui exonère le malade mental de sa responsabilité pénale « est justifié tant par un principe ontologique envisageant qu’une personne ayant agi sous l’emprise d’une maladie mentale n’était plus maître de ses actes, que par une éthique humaniste souhaitant sa protection au sein d’une institution soignante, plutôt que sa dégradation psychologique au sein du milieu carcéral » (LAFAYE Caroline, 2016, p. 7.). - Quelques tendances spécifiques Généralement ce problème de l’irresponsabilisation du malade mental met en place deux tendances. D’une part c’est la tendance de ceux qui pensent que le malade mental doit être protégé par une exonération de sa responsabilité et d’autre part la tendance qui pense que la victime de l’acte criminel du malade mental exonéré de sa responsabilité se retrouve dans une certaine injustice parce que sa cause n’est pas exaucée. Devant ce problème de l’exonération de la responsabilité du malade mental, les experts sont également divisés. Le premier groupe d’experts prônent la responsabilisation de certains malades mentaux. « Ces experts décrivent bien le lien entre les symptômes occasionnés par la pathologie et le crime. Pour illustrer le cas d’une personne, ne relevant pas de l’irresponsabilité, tout en étant tout de même en état de décompensation psychotique, ces psychiatres présentent généralement l’exemple d’une personne délirante qui volerait de l’argent à des fins utilitaires. Le vol d’argent ne relevant pas de la dynamique pathologique, cet individu resterait responsable de l’acte délictueux commis ». Le deuxième groupe d’experts « prône l’irresponsabilité des personnes en état de décompensation psychotique, à l’exception des individus atteints d’une psychose paranoïaque délirante. Le délire propre à cette affection mentale est en effet caractérisé par une cohérence qui lui donne l’apparence de la rationalité. Ce type de symptômes conduit certains psychiatres à considérer que le paranoïaque a choisi de commettre un crime car il est rationnel, et ainsi à le reconnaître responsable pénalement ». Il y a encore un autre groupe d’experts qui pense que, « l’irresponsabilité s’applique à toutes les personnes en état de décompensation psychotique, à l’exception de celles qui tentent de manipuler leur auditoire, ou verbalisant des motivations rationnelles en entretien. Cet argument conduit certains experts à responsabiliser des personnes présentant une schizophrénie décompensée dont le discours est cohérent ». Ce qui est vrai c’est qu’il y a certains malades mentaux qui prennent le temps de très bien organiser leur crime et on peut par certains moments penser être en présence d’une personne qui a toutes ses facultés alors que c’est sous les effets délirant de la maladie mentale qu’il s’organise. Ainsi, il faut noter que l’exonération de la responsabilité pénale ne doit pas être seulement l’œuvre du juge. Mais ce dernier devra travailler avec l’expert. Ceci parce que la maladie mentale a une complexité de compréhension échappant parfois même aux experts. Une personne malade mentale se sent dans une ambiance d’insécurité permanente. Il y a des malades mentaux qui monologuent à tout moment. Et ils exécutent facilement les injonctions leur donner par ce monologue. II.2.3. AVIS D’EXPERTS Notons avant tout que l’expertise médicale est très importante pour conclure à l’exonération de responsabilité si l’on s’en tient à la nouvelle loi pénale. Le législateur ne l’a pas signifié ainsi mais il laisse entrevoir cette possibilité. L’existence du trouble mental ne doit jamais être présumée, même dans l’hypothèse d’une personne majeure placée sous tutelle, traitée médicalement voire hospitalisée. Selon Philippe Salvage, il s’agit d’une situation qui relève de l’appréciation souveraine des juges. Dans les meilleurs délais, ceux-ci vont ordonner une expertise réalisée par un psychiatre agréé auprès des tribunaux (SALVAGE PHILIPPE, 2014,). Toutefois, il est important de rappeler que les conclusions de l’expert ne lient pas le juge, mais il est évident que n’ayant pas de connaissances dans le domaine médical, il va s’en remettre aux conclusions de l’expert, le cas échéant après une contre-expertise. L’expert ne devra pas se contenter d’une affirmation lapidaire et péremptoire ; il devra décrire dans son rapport les anomalies mentales, leur relation avec l’infraction, la dangerosité du délinquant, son accessibilité à une sanction pénale, son éventuelle culpabilité. Si la preuve de l’abolition du discernement au moment des faits est bien rapportée et emporte la conviction du juge, elle entraine des effets essentiels qu’il convient d’examiner. Une catégorie spécifique d’experts pense que « la majorité des personnes en état de décompensation psychotique demeure responsable de ses actes, à l’exception de ceux qui, au sein du délire, perdent la conscience des interdits fondamentaux ». Pour illustrer, on prendra le cas d’un schizophrène qui dit : je suis Lucifer et ma mère est Dieu, et Dieu a décidé d’anéantir le monde. Si je ne tue pas Dieu, le monde sera anéanti. Il tue sa mère. Qui pourrait dire qu’il n’a pas délibéré avec lui-même? De ce fait il faut noter que ce qui exonère le malade mental de sa responsabilité c’est « le lien entre le crime et les symptômes occasionnés par la maladie mentale ». La personne atteinte par la psychose, y compris décompensée, n’est pas considérée comme déterminée en soi. Sa personnalité est perçue comme scindée : entre les parties « prises » dans et par le processus pathologique et d’autres qui resteraient indemnes. A ce niveau, l’on comprend que la motivation de l’acte criminel d’un malade mental peut relever d’une déficience, mais le passage à l’acte ne relève pas d’un délire. A ce niveau, également se pose le problème de l’application de cet article 23 bis de la loi de la réforme. D’où, pour que la maladie ou la déficience puisse avoir un caractère exonératoire, il faut que la maladie soit très « envahissant », aliène la perception totale de l’individu. En résumé, il faut souligner que le Droit pénal congolais consacre le principe d’exonération de la responsabilité de malades mentaux. Il est alors important d’analyser cette question du point de vue Droit civil (responsabilité civile). II.3. AU SUJET DE LA RESPONSABILITE CIVILE DU DEMENT Le Droit de la responsabilité civile constitue l’un des piliers de la protection des personnes. Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer (Article 258 code civil ). Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore, par sa négligence ou par son imprudence (Article 259 code civil). On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde : animaux, construction, les enfants mineurs, responsabilité des employeurs des faits de leurs employés (art. 260 et 261 code civil). Notons par ailleurs que de ces dispositions, il découle que la responsabilité civile est l’obligation qui incombe à l’auteur d’un dommage à le réparer. C’est un mécanisme qui ouvre au profit de la victime d’un dommage le droit de réclamer à l’auteur de celui-ci une réparation. Par ce fait il ressort que la responsabilité civile est fondée sur l’idée de réparation. En ce sens que l’auteur du dommage est tenu de réparer. Mais traditionnellement on a admis que la responsabilité civile reposait sur la notion de la faute. Mais actuellement cette notion semble laisser la place à la notion de la réparation par le fait qu’il y a l’avènement de la notion de la responsabilité objective c’est-à-dire responsabilité sans faute. Nous avons précédemment parlé de la responsabilité pénale. Mais à cette responsabilité il faut ajouter la responsabilité civile et celle administrative. Au sujet de la responsabilité contractuelle il faut noter que l’article 45 du code civil livre troisième met en charge du contractant l’obligation de réparer le dommage qu’il inflige à son cocontractant en cas d’inexécution de ses prestations ou en cas d’une exécution défectueuse de celle-ci. L’obligation de réparation lui incombe également en cas de retard dans l’exécution de ses prestations. L’article 33 du code suscité met aussi en exergue l’idée de réparation qui caractérise la notion de l’obligation. Mais il sied à ce point nommé de dire que la notion de responsabilité contractuelle découle d’un abus de langage. La responsabilité civile peut découler d’un dommage dû à un fait personnel ou à un fait d’autrui et elle peut également résulter du fait des choses qu’on a sous sa garde. On note pour ce fait que la responsabilité contractuelle offre des allures d’une notion inexacte. Il n’existe pas de responsabilité contractuelle lors de la formation d’un contrat. La responsabilité contractuelle n’intervient qu’en cas d’inexécution d’un contrat, en cas d’exécution fautive ou, en cas de retard dans l’exécution du contrat. C’est-à-dire autrement qu’il ne peut pas avoir de responsabilité contractuelle lors de la formation du contrat. La question de la responsabilité contractuelle ne survient que lorsqu’il y a problème d’inexécution contractuelle. Quant à la notion de la responsabilité administrative, il faut noter qu’elle a vocation à réparer le dommage résultant de l’action de l’administration (BROUSSOLLE, 2019). Il s’agit de la responsabilité de puissance publique. Eu égard à ce qui précède, il faut noter qu’à ce point, cette étude se focalise sur la responsabilité civile, autrement appelée responsabilité acquilienne sous ses divers démembrements que nous tacherons de présenter dans la présente étude. II.3.1. LA RESPONSABILITE DES FAITS PERSONNELS DU MALADE MENTAL La responsabilité civile suppose que soit établi : un fait générateur de responsabilité (faute), un dommage, et un lien de causalité entre ce fait générateur et ce dommage. Ceci fait allusion au principe de la responsabilité subjective. Ce qui revient à dire que la responsabilité subjective est une responsabilité fondée sur la faute. 1. LA FAUTE La notion de la faute est une notion polysémique. Mais retenons qu’en Droit de la responsabilité, la faute est l’élément essentiel qui met en mouvement toute responsabilité subjective. La faute est constituée par la réunion de trois éléments : un fait matériel dommageable, un fait ayant un caractère illicite, et une manifestation de volonté de son auteur : il doit y avoir imputabilité du fait à son auteur. Le professeur Kalongo Mbikayi estime pour ce fait que la faute se comprend mieux avec ces éléments qu’il appelle les elements internes de la faute. Il s’agit de : « la culpabilité de l’auteur du fait, c’est l’étude du fait illicite lui-même, et l’imputabilité de ce fait à son auteur qui constitue l’élément objectif (KALONGO). - Le fait matériel dommageable renvoie à toute faute de commission ou d’omission. - Un fait illicite renvoie quant à lui au fait socialement mauvais, lorsque l’auteur du dommage a transgressé un texte impératif. - Une manifestation de la volonté : pour qu’il y ait faute, il faut normalement qu’il y ait eu manifestation de volonté. C’est-à-dire il doit être constaté chez l’auteur du fait illicite une volonté consciente, capable et libre. Il ne suffit pas que l’acte en lui-même soit illicite, il faut encore qu’il puisse être assumé juridiquement, reproché, rattaché à celui qui l’a commis. La conscience, la capacité et la liberté de la volonté sont donc les trois postulats de l’imputabilité de cet acte. 2. L’IRRESPONSABILITE CIVILE DU MALADE MENTAL De ce fait, il est important de noter que seules les personnes conscientes peuvent au sens de l’article 258 du code civil livre III, commettre une faute. Autrement dit, il ne peut être reproché de fautes qu’à une personne consciente, c’est-à-dire une personne qui réalise ce qu’elle fait. De ce fait, l’irresponsabilité de l’inconscient est donc la règle en Droit civil congolais : on considère que le fou et l’enfant, n’ont pas la conscience de leurs actes et qu’ils sont en principe irresponsable. Mais en Droit comparé, il y a cependant une évolution à cet égard dans la mesure où on admet que le mineur ou l’aliéné puisse être responsable delictuellement. La position du législateur congolais fut un mimétisme juridique qui ne mérite plus sa place. Cela par le fait qu’avec le développement du Droit de l’assurance, le Droit Français qui a considérablement influencé le Droit congolais a subi une réforme en matière de la responsabilité des personnes malades mentales. Le législateur français a par la loi du 03 Janvier 1968 rompu avec le principe traditionnel de l’irresponsabilité des déments. Il résulte, en effet, désormais de l’article 489-2 du code civil français que celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il était sous l’empire d’un trouble mental, n’en est pas moins obligé à réparation. D’aucuns pensent que ce changement est pour tenir compte du sort ou de la protection de victimes. Dans notre législation, la responsabilité civile de personnes morales est corrélative à la responsabilité objective.

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