Les régimes matrimoniaux en droit congolais. Véritables contrats types: Etude de lege ferenda
Par
MULENDA KABADUNDI Eddy
Magistrat et Premier Substitut du Procureur de la République, Enseignant- chercheur /RD Congo, Chef de Travaux à l’Université Libre de Matadi.

Lors de la célébration du mariage devant l’OEC , les époux sont invités par ce dernier à faire un choix entre les régimes matrimoniaux limitativement prévus par la loi. En effet, il s’agit des véritables contrats types ou standards auxquels les époux adhérent, sans réelle possibilité pour eux, d’opiner sur telle ou telle autre clause qu’ils contiennent. Pourtant, entant que contrat matrimonial, il nécessite la réunion de tous les éléments des conventions dictés par l’article 8 du CCCL III. La présente réflexion a le mérite de démontrer qu’aucun citoyen marié civilement en RDC, n’a eu véritablement à conclure un contrat matrimonial. Voilà pourquoi, nous avons proposé au le législateur de donner la possibilité aux époux de rédiger eux même un contrat de mariage qu’ils déposeront au bureau de l’OEC dans un délai de quinze jours avant la célébration du mariage d’une part et d’autre part, considérer comme indicatifs les régimes matrimoniaux organisés par le Code de la famille dont la modification nous parait judicieuse. Les méthodes de l’herméneutique juridique et systémique qui s’exprimeront par la documentaire dans une perspective qualitative aideront à présenter les résultats de la présente étude. Mots- clés : Régimes matrimoniaux- Contrats types - Droit civil- Mariage. 0. Introduction Le législateur congolais enseigne que, les futurs époux opteront l’un des trois régimes matrimoniaux que sont : la séparation des biens, la communauté réduite aux acquêts et la communauté universelle ( article 487 du Code de la famille) et ce, au moment où les précités se présentent devant l’Officier de l’état civil, par eux- mêmes ou par leur mandataire, en vue de la célébration ou de l’enregistrement du mariage, l’officier de l’état civil les avertit du choix qu’ils peuvent faire entre les trois régimes matrimoniaux organisés par la loi (alinéa 1ier de l’article 488 du Code de la famille). Parce que les futurs époux passeront ensemble leur vie durant une période indéterminée, il y a là, la formation d’une micro société par la volonté des époux que la loi nomme « la famille ». Les acteurs ne peuvent se diriger sans normes ou principes directeurs quant en ce qui concerne leurs personnes d’une part et d’autre part, en ce qui est de leurs biens tant meubles qu’immeubles. En effet, les futurs époux qui recevront les explications de l’officier de l’état civil seront dans l’obligation sur le champ d’opérer un choix de manière expresse et que même le silence des époux est considéré comme un choix implicite d’une des formes des régimes matrimoniaux prévues par la loi que la doctrine qualifie de régime matrimonial légal. Pourtant, le régime matrimonial est un contrat de mariage et entant que tel, les termes de l’article 8 du Code civil congolais, Livre III doivent être respectés pour sa validité. C’est cette ingérence dictatoriale du législateur congolais dans le domaine de la famille, spécialement dans les règles de gestion du patrimoine familial qui nous intéresse dans la présente réflexion, qui porte sur les régimes matrimoniaux qui apparaissent à nos yeux comme des véritables contrats types ou standards. Pour la réalisation de la présente réflexion scientifique, nous avons fait recours aux méthodes systémique d’une part, qui nous a permis de considérer le régime matrimonial comme une institution fonctionnelle au sein du labyrinthe juridique comprenant plusieurs autres notions qui lui assurent l’équilibre ainsi que la légalité. Par ce procédé, on comprendra aussi les interactions possibles de cette structure juridique qu’est le régime matrimonial avec les autres institutions juridiques et d’autre part, de l’herméneutique juridique qui nous a servi d’interpréter le texte légal de base qui est la Loi n°87-10 du 1ier août 1987 portant Code de la famille telle que modifiée par la Loi n°16/008 du 15 juillet 2016 et ce, dans plusieurs de ses dispositions controversées. Afin de permettre aux précitées méthodes de s’exprimer, nous avons recouru à la technique documentaire en consultant plusieurs supports écrits ou non pour y tirer des informations nécessaires à la réalisation et à la mise en page de notre étude. Notre présente réflexion est délimitée sur le plan territorial, à la République Démocratique du Congo, sur le plan de la matière, nous nous limiterons à examiner les questions liées aux régimes matrimoniaux et sur le plan spatial, notre étude couvre le temps qui va de l’applicabilité du Code de la famille (1988) jusqu’au moment de cette étude (juin 2023). Outre l’introduction est la conclusion, le présent travail s’articule en deux points ainsi intitulés : Notions générales sur les régimes matrimoniaux et le contrat type en droit civil congolais (1) et lecture herméneutique des régimes matrimoniaux en droit civil congolais (2). 1. Généralités sur les régimes matrimoniaux et le contrat type ou standard en droit civil congolais. Le présent point est articulé en deux sous points qui seront méticuleusement développés à savoir : les notions sur les régimes matrimoniaux (1.1), les régimes matrimoniaux en droit civil congolais (1.2) et le contrat type ou standard en droit civil congolais (1.2). 1.1. Notions sur les régimes matrimoniaux A ce stade de réflexion, nous examinerons succinctement les concepts « régime matrimonial », la nécessité du régime matrimonial et le choix d’un régime matrimonial. 1.1.1. Le concept régime matrimonial C’est en légiférant sur les effets patrimoniaux du mariage que le législateur congolais règlemente la matière relative aux régimes matrimoniaux. Il y consacre près de cinquante articles sans pour autant oser définir lui- même le concept « régime matrimonial » (J.P. Kifwabala Tekilazaya : 2013). L’on s’accorde toutefois à admettre que le régime matrimonial constitue l’ensemble des règles de droit s’appliquant aux intérêts pécuniaires des époux (A. Weil : 1972) dans leur rapport entre eux et avec les tiers (P. Voirin et G. Goubeaux : 1972). Il faut ainsi voir dans le régime matrimonial le statut pécuniaire de la société conjugale que forment les époux (L. Bach : 1998), c'est-à-dire les règles relatives à l’administration, la jouissance, l’aliénation de tout ce que possèdent les époux et qui soit évaluable en argent, pendant le mariage et après la dissolution de celui-ci. 1.1.2. La nécessité du régime matrimonial En effet, le mariage entraine globalement la communauté de vie. Celle- ci occasionne un enchevêtrement, une certaine confusion des biens des époux. Il y a d’une part les biens qui seront acquis par chacun des époux avant le mariage, et d’autre part les biens qui seront acquis par chacun d’eux pendant le mariage, mais aussi les biens qui peuvent être conjointement acquis par les deux alors mariés. Faudra- t- il dès lors pour l’harmonie du couple, que soient précisées d’avance, les règles applicables à cette masse des biens ? Cela est d’autant plus nécessaire que le mariage d’après la loi, crée le ménage. Et, aux termes de l’article 443 du code de la famille : « le ménage désigne les époux, leur enfants non mariés à charge ainsi que tous ceux envers qui les époux sont tenus d’une obligation alimentaire, à condition que ces derniers demeurent régulièrement dans la maison conjugale et soient inscrits au livret de ménage ». Le régime matrimonial est dès lors nécessaire pour préciser l’affectation des biens conjugaux c'est-à-dire pour déterminer la situation desdits biens pendant le mariage, en précisant les droits et les pouvoirs respectifs des époux ; en définissant comment seront administrés les biens du ménage et par qui. Il est également plus que nécessaire en ce qu’il permet de résoudre aisément la question de la répartition des biens conjugaux en cas de dissolution du mariage. Il faut donc absolument qu’un contrat de mariage soit conclu par les époux. 1.1.3. Le choix du régime matrimonial A ce sujet le professeur Jean Pierre Kifwabala Tekilazaya enseigne qu’il résulte de l’article 487 du code de la famille que le législateur proclame le principe de la liberté pour les époux de choisir un régime matrimonial ; mais une liberté de choix limité (J.P. Kifwabala Tekilazaya : 2013). En effet, le législateur congolais n’établit pas un régime matrimonial unique impérativement applicable à tous les époux. Il n’a pas non plus consacré le principe de la liberté des conventions matrimoniales tel qu’il est affirmé par le code français de 1804. Il s’est écarté du système mixte français qui d’une part consacre des règles impératives applicables à tout mariage et donc au régime matrimonial, et, d’autre part permet aux époux d’aménager à leur convenance le sort de leurs biens par un contrat de mariage passé devant le notaire (P. Voirin et G. Goubeaux : 1972). Il consacre plutôt un type de régime dit « statutaire légal » limitant considérablement la liberté et le législateur congolais détermine un corps de règles pour chaque régime matrimonial, ne laissant aux époux qu’une adhésion à un groupe des règles prédéfinies sans possibilité de les modifier sauf si lui- même le permet. La liberté des époux ne consiste qu’à la possibilité de la désignation parmi les régimes organisés, celui qu’ils souhaitent appliquer à leur union. Les époux ne peuvent choisir que l’un des régimes préalablement organisé par la loi. Les conventions qu’ils peuvent faire seront valables que pour autant qu’elles respectent les règles préétablies. Elles sont aussi soumises à d’autres limitations. Elles ne doivent pas nuire notamment aux droits des personnes faisant partie de la famille, à leurs intérêts pécuniaires, ainsi qu’à l’ordre légal des successions. 1.2. Les régimes matrimoniaux en droit civil congolais Le professeur J.P. Kifwabala Tekilazaya enseigne les règles du régime matrimonial primaire avant d’examiner les règles spécifiques à chacun des trois régimes matrimoniaux prévus par l’article 487 du Code de la famille. Il le définit comme un ensemble des règles qui s’imposent aux époux sans que ceux- ci puissent les écarter. Elles sont ainsi obligatoires, impératives et s’appliquent quel que soit le régime choisi par les époux. En réalité ces règles constituent une grande charte du ménage imposée par la loi qui regroupe dans une certaine mesure les droits et les devoirs des époux. Seront examinés succinctement dans les lignes qui suivent, le régime de la séparation des biens avant d’examiner ceux de la communauté réduite aux acquêts et de la communauté universelle des biens. Les règles de liquidation du régime matrimonial choisi par les époux ne seront pas développées dans cette réflexion. Cependant, il y a lieu de retenir que la loi donne aux époux la possibilité de modifier le régime matrimonial opté au moment de la célébration ou de l’enregistrement de leur mariage devant l’Officier de l’état civil. 1.2.1. Régime de la séparation des biens L’article 505 du code de la famille est le siège de la matière en disposant que : « le régime de la séparation des biens consacre l’existence de deux patrimoines propres formés par tous les biens acquis à titre onéreux ou à titre gratuit par chacun des époux ainsi que leurs dettes ». Il s’en suit que dans ce régime, il y a stricte indépendance de deux patrimoines qui se manifeste dans la composition tant dans leurs actifs que dans leurs passifs. C’est le régime qui avant la loi portant code de la famille, était préféré par la majorité des coutumes congolaises. Il est souvent adopté par les remariés et les personnes exerçant les professions libérales, pour mettre le conjoint notamment à l’abri des risques financiers courus par un époux dans le cadre de sa profession (L. Bach : 1998). Car dans ledit régime les personnes sont unies mais les patrimoines demeurent personnels. C’est l’union où la raison patrimoniale s’impose à la passion sentimentale (L. Bach : 1998). Savatier écrit à propos de ce régime : La séparation des biens n’est pas à proprement parler un régime matrimonial, c’est bien plus exactement l’absence de régime matrimonial, on ne marie que les personnes ; quant aux patrimoines, ils restent ce qu’ils étaient auparavant, indépendant (J. Savatier : 1973). Dans le même sens, Carbonnier estime que le régime de la séparation des biens est la négation de tout régime matrimonial ; car dit- il, dans ce régime il n’y a pas de ménage faute de véritable vie commune (M. Carbonnier : 1997). La séparation des biens implique donc l’indépendance des patrimoines des époux tout en laissant subsister le mariage. La philosophie est donc une séparation générale et totale des avoirs et des dettes. 1.2.2. Régime de la communauté réduite aux acquêts C’est un régime matrimonial à la fois légal et conventionnel. Légal, il est applicable d’abord, lorsque les époux n’ont pas choisi un quelconque régime matrimonial, en suite, lorsque le mariage a été annulé et enfin, lorsqu’il s’agit des mariés d’avant le 1ier août 1987. Conventionnel, il s’applique aux époux qui l’on choisit lors de la célébration ou de l’enregistrement de leurs mariages. Suivant l’article 516 du code de la famille, dans le régime de la communauté réduite aux acquêts, les biens des époux sont repartis en trois masses distinctes comprenant : - d’une part les biens communs qui forment la masse commune ou « la communauté » au sens strict et d’autre part, les biens propres de chaque époux.

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