SORT DES INSTITUTIONS DE MICROFINANCE SOUS L’EGIDE DE LA LOI N°22/069 du 27 DECEMBRE 2022 RELATIVE A L’ACTIVITE ET AU CONTROLE DES ETABLISSEMENTS DE CREDIT

Parmi les choses que l’histoire retiendra de l’année 2022 en RDC, l’évolution de l’arsenal juridique y trouvera également sa partition et particulièrement la mutation du cadre légal du secteur bancaire congolais qui occupe une place de choix au regard des enjeux dudit secteur.

La loi n°22/069 du 27 décembre 2022 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit publiée au journal officiel le 5 janvier 2023 (Nouvelle loi bancaire (1)) a suscité des attentes et une grande curiosité eu égard à la nouvelle dynamique dont elle devait être porteuse, semblable à un remède aux différents maux qui gangrenaient le secteur bancaire. Les dispositions de la loi n° 003/2002 du 2 février 2002 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit (Ancienne loi bancaire) étaient jugées obsolètes.

En effet, les innovations technologiques et l’avènement de nouveaux services dans l’environnement bancaire ont considérablement bouleversé ce dernier à telle enseigne que l’Ancienne loi bancaire a révélé moult insuffisances à répondre adéquatement aux réalités et pratiques constatées dans ledit environnement. Cette lecture a conduit le législateur à redéfinir la classification des institutions actives dans le secteur bancaire en abandonnant la classification unique de l’Ancienne loi bancaire qui disposait que « elle [la présente loi] distingue cinq catégories d’établissement de crédit auxquelles s’appliquent des réglementations spécifiques, à savoir :


- Les banques ;

- Les coopératives d’épargne et de crédit ;

- Les caisses d’épargne ;

- Les institutions financières spécialisées ;

- Les sociétés financières.


La Nouvelle loi bancaire redéfinit le concept d’établissement bancaire (2) et de sociétés financières (3) en les érigeant en deux grands ensembles du secteur bancaire et dans lequel se meuvent plusieurs catégories d’acteurs.

Les établissements de crédit sont (4) :


- Les banques ;

- Les caisses d’épargne ;

- Les coopératives d’épargne et de crédit ;

- Les sociétés de microfinance.


Les sociétés financières sont notamment (5) :


- Les sociétés de crédit-bail ;

- Les sociétés d’affacturage ;

- Les sociétés de cautionnement ;

- Les entreprises de micro-crédit ;

- Les bureaux de change ;

- Les émetteurs d’instruments de paiement ;

- Les messageries financières ;

- Les institutions financières spécialisées.


Il apert des énumérations faites ci-dessus une importante mutation dans ce qu’il faille dorénavant retenir sur les institutions de microfinance. Nous constatons la présence de la société de microfinance comme une catégorie d’établissement de crédit et l’entreprise de micro-crédit comme une catégorie de société financière. De ce fait, un examen de (i) la nature et (ii) la loi applicable s’avère opportun.

Concernant la nature juridique, il convient de rappeler que le cadre légal de l’activité de microfinance en RDC était défini depuis 2011 par la loi organique n°11-020 du 15 septembre 2011 fixant les règles relatives à l’activité de la microfinance en RDC (Loi sur la microfinance).

Aux termes de la Loi sur la microfinance, les institutions de microfinance sont réparties en deux catégories, à savoir :

(1) les entreprises de micro-crédit et

(2) les sociétés de microfinance.

Force est de constater que le législateur a manifesté sa volonté de changer la nature juridique des entreprises de micro-crédit et des sociétés de microfinance dans la Nouvelle loi bancaire. En effet, ces dernières qui revêtaient depuis 2011 la nature d’institution de microfinance revêtent respectivement depuis le 27 décembre 2022 la nature d’établissement de crédit et de société financière. Le législateur affirme sans tergiversation sa position en définissant la société de microfinance comme un établissement de crédit qui effectue, à titre de profession habituelle, des opérations de collecte de l’épargne du public et d’octroi de crédit suivant des techniques propres à la microfinance (6).

De ce changement de nature juridique, il en découle notamment que le législateur a pris position de retirer de l’arsenal juridique le concept d’institution de microfinance. S’il est vrai que la microfinance en tant que technique financière(7) continue à exister, il n’en demeure pas moins vrai que le concept d’institution de microfinance, d’un point de vue juridique, vient de s’éteindre dans le droit congolais. En d’autres termes, l’institution de microfinance n’existe plus en droit congolais.

Cependant, de la lecture du chapitre II du titre X de la Nouvelle loi bancaire portant sur les dispositions transitoires, abrogatoires et finales, nous notons que le législateur a pris le soin d’abroger expressément l’Ancienne loi bancaire mais ce dernier n’a pas expressément prévu une telle disposition pour la Loi sur la microfinance. En effet, la Nouvelle loi bancaire prévoit que « la présente loi abroge la loi n°003/2002 du 2 février 2002 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit ainsi que toutes les dispositions antérieures qui lui sont contraires.(9)».

En l’absence de cette disposition abrogatoire, il devient nécessaire de s’appesantir sur le sort de la Loi sur la microfinance avec toutes les conséquences qui en découlent, notamment le statut et le régime juridique de la société de microfinance et l’entreprise de micro-crédit, dans la mesure où le défaut d’abrogation de la Loi sur la microfinance porterait le gène d’un conflit de lois dans le temps : la succession de deux lois sur une même matière soulève la question de leur application dans le temps(10).

En effet, l’abrogation est la suppression d’une règle par une nouvelle règle. Le Professeur Félix Vunduawe relève que l’abrogation peut être expresse (abrogation de telle ou telle disposition), tacite (par la formule « les dispositions antérieures contraires sont abrogées ») et implicite (qui se réalise simplement par la prise de dispositions nouvelles. Dans cet ordre d’idées, l’abrogation peut se révéler partielle ou totale.)(11).

Commentant sur l’abrogation implicite, le Professeur Jean Waline soutient qu’il y a abrogation implicite lorsqu’une disposition législative nouvelle contredit ses dispositions sans pour autant l’abroger formellement(12).

Nous constatons, comme relevé précédemment, que la Nouvelle loi bancaire n’a pas expressément abrogé la Loi sur la microfinance. Cependant, paraphrasant le législateur, celui-ci souligne que les dispositions antérieures contraires à la Nouvelle loi bancaire sont abrogées.

Se référant aux théories de droit administratif évoquées ci-dessus sur l’abrogation, il ne serait pas erroné de soutenir que le législateur a procédé à une abrogation tacite des dispositions de la Loi sur la microfinance qui sont contraires à la Nouvelle loi bancaire. Il ne s’agit point actuellement d’une activité qui se trouverait dans un cas de conflit de lois, à savoir un conflit entre la Nouvelle loi bancaire et la Loi sur la microfinance face aux activités de microfinance. En effet, les règles régissant les sociétés de microfinance et les entités de micro-crédit sont dorénavant celles définies dans la Nouvelle loi bancaire. Seules les règles de la Loi sur la microfinance qui ne contredisent pas les prescrits de la Nouvelle loi Bancaire qui vont demeurer d’application. A titre illustratif, l’actionnariat des sociétés de microfinance devra comprendre au moins 4 actionnaires ou associés détenant chacun une quotité de capital social significative définie par la Banque Centrale du Congo (BCC) par voie d’instruction (11).

Aussi faut-il ajouter qu’au regard du principe de la légalité ou de la hiérarchie des normes, les instructions de la BCC devront strictement se conformer aux termes de la Nouvelle loi bancaire, sauf dans le cas où la loi reconnaît expressément à la Banque Centrale du Congo la latitude de déroger. Il est donc curieux de constater que le préambule de l’instruction 51 du 16 mai 2023 fixant les règles relatives aux transactions des établissements de crédit et sociétés financières avec les personnes apparentées puissent faire référence notamment au titre II de la Loi sur la microfinance pour justifier le fondement de son adoption. Ceci démontre que la BCC semble méconnaître la conséquence juridique de cette reclassification de la société de microfinance en établissement de crédit ou de l’entreprise de micro-crédit en société financière alors que le titre II de la Loi sur la microfinance présente la société de microfinance et l’entreprise de micro-crédit comme des catégories des institutions de microfinance en précisant le régime applicable aux institutions de microfinance alors que ces dernières sont actuellement établissement de crédit et société financière.

En définitive, le changement de nature et de régime juridique des sociétés réalisant des activités de microfinance aura un impact sur les activités de ces dernières. En effet, Les règles de gouvernance et d’exploitation des activités deviendront moins souples, ce qui est susceptible d’impacter leurs activités. La BCC ne pourra se placer en marge des bases posées par le législateur dans la Nouvelle loi bancaire sauf lorsque ce dernier l’en a expressément autorisé. L’assainissement et la solidité du secteur passent également par le respect du principe de la légalité.

Les jours à venir ne seront pas les plus simples pour ces sociétés qui sont appelées à faire preuve d’une grande faculté d’adaptation aux exigences de la Nouvelle loi bancaire quant à la conduite de leurs activités en RDC. Dura lex, sed lex, Pessima lex sed lex, soulignera-t-on.

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE


(1) Cette loi entrera en vigueur le 5 juillet 2023, soit 6 mois après sa publication, voy article 197 de la Nouvelle loi bancaire.

(2) Il s’agit des personnes morales de droit congolais dont l’activité consiste à recevoir du public des dépôts d’argent ou d’autres fonds remboursables, à octroyer des crédits pour leur propre compte, à effectuer les opérations de paiement et à gérer des moyens de paiement.

(3) Il s’agit des personnes morales de droit congolais dont l’activité consiste, à l’exclusion de toute réception de fonds remboursables du public, à effectuer des opérations de crédit, à réaliser des opérations de paiement, à gérer des instruments de paiement ou à faire le change manuel.

(4) Article 2 de la Nouvelle loi bancaire.

(5) Article 6 point 31 de la Nouvelle loi bancaire.

(6) La fourniture d’un ensemble de produits financiers à tous ceux qui sont exclus du système bancaire classique.

(7) Article 194 de la Nouvelle loi bancaire.

(8) Muriel Fabre-Magnan, Introduction au droit, PUF, Collections Que sais-je, Paris, p.37.

(9) Félix Vunduawe te Pemako et Jean Marie Mboko Dj’Andima, Traité de droit administratif, 2ème édition, Bruylant, Bruxelles, p.800.

(10) Article 11 de la Nouvelle loi bancaire.


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COMMENTAIRES :

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    Brandonplero

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