"De la nullité absolue des actes accomplis par les greffiers en qualité d'huissiers de justice à l'aune de la loi n°16/011 du 15 juillet 2016"

Depuis le 15 juillet 2016, la République Démocratique du Congo s'est dotée à l'instar de certains pays, la loi n°16/011 portant création et organisation de la profession d'huissier de justice. Aux termes de l'article 13 de cette loi, les huissiers de justice ont pour missions de rédiger les actes, de signifier les actes et exploits, d'exécuter les décisions judiciaires ou tout acte portant la formule exécutoire, de rédiger les procès-verbaux, etc....

En effet, depuis la mise sur pied des décrets du 06 août 1959 et 07 mars 1960 portant respectivement codes de procédure pénale et civile, la rédaction des exploits de justice était l'apanage des greffiers, mais la signification desdits exploits était réservée aux huissiers mais aussi elle pouvait être faite par le greffier.

Les articles 1 et 2 du code de procédure civile reconnaissent aux greffiers de rédiger les assignations (exploits introductifs d'instance). Par ailleurs, les articles 3 al 1 du code de procédure civile et 58 al 1 du code de procédure pénale prévoient que "l'assignation, la citation est signifiée par un huissier. Elle peut être aussi par le greffier". Pour la citation, même l'officier du Ministère Public peut la signifier.

A notre avis, les décrets portant codes de procédure civile et pénale constituent sans nul doute, des lois générales en matière procédurale (droit judiciaire). A contrario, la loi n°16/011 du 15 juillet 2016 portant création et organisation de la profession d'huissier de justice en est une loi spéciale.

Conséquemment, en vertu du principe "lex specialis derogat legi (lex) generali" traduit en anglais par " special law repeals general law", qui signifie que la loi spéciale déroge à la loi générale, la promulgation de la loi du 15 juillet 2016 sur la profession d'huissier de justice, déroge à tous ces deux codes de procédure. Ce qui revient à dire que, les attributions d'huissier de justice, que ces derniers ont reconnu au greffier, qui du reste était une faculté (peut) et non un devoir (doit), demeurent à l'heure actuelle de la compétence exclusive des huissiers de justice conformément à la loi sus-visée. Il en est ainsi, de la rédaction de la signification des actes et exploits, de la notification prévues par les lois et règlements lorsque le mode de notification n'est pas prévue, l'exécution des décisions judiciaires et les actes et titre en forme exécutoire, au recouvrement amiable des créances et aux ventes publiques des meubles ainsi que l'établissement des protêts.

Ces différentes missions reconnues aux huissiers de justice, ne peuvent pas être accomplis par les greffiers là où il existe une chambre provinciale des huissiers de justice. Par dérogation, l'article 51 al 2 de la loi n°16/011 reconnaît d'une manière transitoire aux fonctionnaires et agents de l'ordre judiciaire (greffiers) de poser les actes réservés aux huissiers de justice jusqu'à l'installation effective de la chambre provinciale des huissiers de justice.

Pour les greffiers, ils demeurent compétents de recevoir les déclarations pour la rédaction des assignations et citations en matière pénale, sans préjudice de leurs missions primordiales en tant que gestionnaires des greffes, gardien des dossiers judiciaires et registres de justice ainsi que leur mission d'assister les juges aux audiences (conformément à l'arrêté d'organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979 portant règlement intérieur des cours, tribunaux et parquets).

En conclusion, nous pouvons dire qu'avec l'installation des chambres provinciales des huissiers de justice, les greffiers ne peuvent plus poser les actes réservés à ces derniers par une loi spéciale qui déroge aux lois générales (décrets portant codes de procédure civile et pénale), et ce, en vertu du principe sus-rappelé. Par conséquent, tous les actes posés par les greffiers dans un ressort où il existe une chambre provinciale des huissiers, sont nuls et de nullité absolue. A titre dérogatoire et d'une manière purement transitoire, dans les ressorts des cours d'appel où ces chambres ne sont pas installées, la loi maintient cette charge réservée aux huissiers à la compétence des greffiers.

Débat ouvert aux juristes.

Kinshasa, 08 janvier 2023

Me Edmond Mbokolo Elima
Avocat au Barreau de l'Equateur
Chercheur en droit à l'Université de Kinshasa.


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