LA RÉSILIATION DU BAIL PROFESSIONNEL EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO

I. GÉNÉRALITÉS INTRODUCTIVES

Comme rappelé dans notre récent article qui a porté sur la « la résiliation du bail non professionnel en République démocratique du Congo » (1), il est constaté dans la pratique une confusion entre le bail non professionnel et le bail professionnel, et pourtant les deux types de bail n’obéissent pas aux mêmes règles et ne sont pas régis par une même législation.

Le bail non professionnel est entendu en R.D.C. comme « un contrat par lequel l’une des parties, appelée «bailleur» s’oblige à faire jouir à l’autre partie appelée «preneur», d’un immeuble ou d’un local, pendant une période donnée moyennant un prix convenu appelé «loyer» que le preneur s’engage à payer à des échéances convenues de commun accord » (2). Ce bail comprend le bail résidentiel et le bail socioculturel.

Le bail résidentiel est un contrat qui porte sur une maison, une villa ou un appartement à usage d’habitation ainsi que ses dépendances et le bail socioculturel est un contrat dans lequel une association sans but lucratif ou un établissement d’utilité publique est «preneur».
Le bail non professionnel est régi par la loi nationale, spécifiquement pour la R.D.C., la loi n°15/ 025 du 31 décembre 2015 relative aux baux à loyer non professionnel.

Par ailleurs, le bail professionnel pour sa part, autrement qualifié de bail commercial est, quant à lui, « toute convention, écrite ou non, entre une personne investie par la loi ou une convention du droit de donner en location tout ou partie d’un immeuble compris dans le champ d’application de l’acte uniforme sur le droit commercial général, particulièrement sur le bail professionnel, et une autre personne physique ou morale, permettant à celle-ci, le preneur, d’exercer dans les lieux avec l’accord de celle-là, le bailleur, une activité commerciale, industrielle, artisanale ou toute autre activité professionnelle » (3). C’est bien ce type de bail qui nous concerne dans cet article.

Ce bail porte sur un immeuble rentrant dans l’une des catégories suivantes :
1. locaux ou immeubles à usage commercial, industriel, artisanal ou à tout autre usage professionnel ;
2. locaux accessoires dépendant d’un local ou d’un immeuble à usage commercial, industriel, artisanal ou à tout autre usage professionnel, à la condition, si ces locaux accessoires appartiennent à des propriétaires différents, que cette location ait été faite en vue de l’utilisation jointe que leur destinait le preneur, et que cette destination ait été connue du bailleur au moment de la conclusion du bail ;
3. terrains nus sur lesquels ont été édifiées, avant ou après la conclusion du bail, des constructions à usage industriel, commercial, artisanal ou à tout autre usage professionnel, si ces constructions ont été élevées ou exploitées avec le consentement exprès du propriétaire ou portées à sa connaissance et expressément agréées par lui.
Ce bail est aussi applicable aux personnes morales de droit public à caractère industriel ou commercial, et aux sociétés à capitaux public, pourvu qu’elles agissent en qualité de bailleur ou de preneur(4).

Le bail professionnel est régi par les dispositions de l’acte uniforme OHADA relatif au droit commercial générale(5).
Le législateur communautaire OHADA a substitué la dénomination du bail professionnel à celle du bail commercial pour étendre le bail commercial à toutes les activités professionnelles(6).
En effet, l’OHADA est organisation qui a vu le jour par le Traité du 17 octobre 1997 (révisé le 17 octobre 2008) qui regroupe aujourd’hui 17 États membres: Bénin, Burkina Faso, Cameroun, République Centrafricaine, Comores, Congo (Brazza), République Démocratique du Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Guinée Bissau, Guinée Équatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo et apparait comme une opportunité historique ayant le statut du plus grand espace juridique et judiciaire africain et l’une des plus fortes avancées d’uniformisation juridique au monde.
L’OHADA entend favoriser l’intégration régionale et promouvoir l’amélioration de l’environnement des affaires en misant sur la sécurité juridique et judiciaire. Pour ce faire, elle harmonise le droit des affaires par des règles simples, modernes et adaptées à la situation des économies des États parties.

Dans le souci d’améliorer son climat des affaires, en 2004, le Gouvernement de la R.D.C. a commandité une étude sur les modalités d’adhésion à l’OHADA, étude livrée en février 2005 par le Professeur Roger MASAMBA MAKELA. En février 2006, le Conseil des Ministres décide de formaliser le processus d’adhésion de la RDC à l’OHADA. En février 2008, le Président de la République adresse une lettre d’intention à l’OHADA, ce qui équivaut à une candidature. Après l’option de l’Exécutif vint l’onction parlementaire avec l’adoption à la quasi-unanimité des députés de la loi autorisant l’approbation du Traité de l’OHADA. Cette loi a été promulguée le 11 février 2010 par le Président de la République, à la suite d’un avis de conformité émis par la Cour Suprême de Justice le 5 février 2010. A la fin du mois de juin 2012, le Premier Ministre a annoncé l’approbation du Traité de l’OHADA par le Président de la République « ratification ». Le 13 juillet 2012, le gouvernement a déposé l’instrument d’adhésion auprès de l’État dépositaire du Traité (Sénégal) et le 12 septembre 2012 marque ainsi le point de départ de l’application du Traité et des Actes uniformes sur tout le territoire congolais.

Avec quelques symboles évocateurs de la taille des innovations notamment(7) :
- Devant toutes les juridictions du pays, singulièrement aux premier et deuxième degrés, le droit OHADA s’impose désormais comme unique référence dans les domaines régis par les Actes uniformes.
- Le bail professionnel fait son entrée dans l’ordre juridique congolais, protégeant désormais le preneur, mais sécurisant aussi le bailleur. Le petit commerçant change d’appellation : l’entreprenant. Il doit déclarer son activité au RCCM.
C’est bien de là qu’est née l’application de l’acte uniforme sur le bail professionnel en R.D.C., bail dont nous parlerons de la résiliation tout en commençant par la mise en demeure.
Cet article ne traitera donc pas la question des contrats de bail de l’entreprise en difficulté, qui suit un régime un peu plus particulier.
DE LA MISE EN DEMEURE
Pour pouvoir mener la procédure de résiliation du bail professionnel, il est exigé préalablement de mettre le preneur en demeure d’avoir à respecter la ou les clauses contractuelles violées, faute pour le bailleur de le faire, sa demande de résiliation sera irrecevable car cette formalité est censée d’ordre public qui ne nécessite aucune dérogation.
La Cour Commune de Justice et d’arbitrage (CCJA) a jugé que « l’expulsion judiciaire du preneur d’un bail commercial est obligatoirement précédée d’une mise en demeure par voie d’huissier de justice, reprenant sous peine de nullité les mentions de l’article 133 de l’acte uniforme sur le droit commercial général » (8).

Pour sa validité, la notification de cette mise en demeure doit être faite par tout moyen suffisant pouvant en attester la preuve de sa réception par le destinataire.
C’est ainsi qu’il a été considéré comme mise en demeure régulière suivante :
- Le commandement de payer suivi d’une assignation réitérée par un avenir dès lors que le délai de mise en demeure préalable d’un mois pour la saisine du tribunal est respecté(9) ;
- La mise en demeure comportant l’indication des clauses ou conditions violées.
Par ailleurs, sont considérées comme mises en demeure irrégulières ou inexistantes :
- Les actes ne valant pas mise en demeure requise : cas de la mise en demeure adressée à un preneur un dimanche sans autorisation de la juridiction compétente conformément à la législation relative aux exploits d’huissiers(10) ;
- L’exploit de congé servi au preneur, car il n’est pas une mise en demeure valable(11), le congé met juste un terme au bail mais ne comporte pas une demande d’exécution des obligations prévues au bail(12);
- La mise en demeure qui n’informe pas le destinataire qu’à défaut de s’exécuter dans le délai d’un mois à compter de sa réception, la juridiction compétente statuant à bref délai est saisie aux fins de résiliation du bail et d’expulsion du preneur et de tout occupant de son chef le cas échéant;
- La sommation de payer faite au preneur.
Lorsque la mise en demeure est irrégulière, il y a lieu de conclure à son inexistence et de ce fait, de réserver une irrecevabilité à la demande de résiliation. Dans ce cas, il y a annulation de la procédure entamée, le preneur reste maintenu dans les lieux loués ou sa réintégration selon le cas, avec possibilité d’une nouvelle mise en demeure si seulement le délai le permet.
A peine de nullité, la mise en demeure doit indiquer la ou les clauses et conditions du bail non respectées et informer le destinataire qu’à défaut de s’exécuter dans un délai d’un mois à compter de sa réception, la juridiction compétente statuant à bref délai sera saisie aux fins de résiliation du bail et d’expulsion, le cas échéant, du preneur et de tout occupant de son chef.
Le contrat de bail peut prévoir une clause résolutoire de plein droit. Dans ce cas, la juridiction compétente statuant à bref délai constatera la résiliation du bail et prononcera, le cas échéant, l’expulsion du preneur et de tout occupant de son chef, en cas d’inexécution d’une clause ou d’une condition du bail après la mise en demeure sus visée.

DU RENOUVELLEMENT DU BAIL
Le droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée est acquis au preneur qui justifie avoir exploité, conformément aux stipulations du bail, l'activité prévue à celui-ci, pendant une durée minimale de deux ans. Le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat dont le contenu est identique au précèdent.
Le but poursuivi par le législateur communautaire en instituant le renouvellement du bail est de garantir la permanence des activités du commerçant preneur.
Le législateur communautaire interdit toute stipulation du contrat tendant à faire échec au droit au renouvellement du bail par le preneur et en cas de renouvellement exprès ou tacite, le bail est considéré comme avoir été conclu pour une durée de trois ans minimale, en cas de renouvellement pour une durée indéterminée les parties doivent prévoir la durée du préavis de congé qui ne peut être inferieure à six mois (13).
Dans le cas du bail à durée déterminée, le preneur qui a droit au renouvellement de son bail tel que décrit ci-dessus peut le demander par signification d'huissier de justice ou notification par tout moyen permettant d'établir la réception effective par le destinataire, au plus tard trois mois avant la date d'expiration du bail(14). Le preneur qui n'a pas formé sa demande de renouvellement dans ce délai est déchu du droit au renouvellement du bail et ne peut plus s’en prévaloir car il en est supposé un désintéressement de sa part.
Le bailleur est tenu par contre de faire connaitre sa réponse à la demande de renouvellement au plus tard un mois avant l'expiration du bail, faute de le faire, il est réputé avoir accepté le principe du renouvellement de ce bail(15).
Dans le cas d'un bail à durée indéterminée, toute partie qui entend le résilier doit donner congé par signification d'huissier de justice ou notification par tout moyen permettant d'établir la réception effective par le destinataire au moins six mois à l'avance.
Le preneur, bénéficiaire du droit au renouvellement peut s'opposer à ce congé, au plus tard à la date d'effet de celui-ci, en notifiant au bailleur par signification d'huissier de justice ou notification par tout moyen permettant d'établir la réception effective par le destinataire sa contestation de congé(16). Faute de contestation dans ce délai, le bail à durée indéterminée cesse à la date fixée par le congé.
Le bailleur peut, en principe, s'opposer au droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée en réglant au locataire une indemnité d'éviction.
DE L’INDEMNITÉ́ D'ÉVICTION
L'indemnité d'éviction est une compensation financière des avantages du locataire que devait lui procurer le renouvellement du bail.
Il est de principe que le bailleur peut s'opposer au droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée en réglant au locataire cette indemnité d'éviction.
A défaut d'accord sur le montant de cette indemnité, celle-ci est fixée par la juridiction compétente en tenant compte notamment du montant du chiffre d'affaires, des investissements réalisés par le preneur, de la situation géographique du local et des frais de déménagement imposés par le défaut de renouvellement(17). L'indemnité d'éviction est aussi et surtout évaluée en fonction du dommage subi. Elle doit couvrir l'intégralité du préjudice causé au locataire en raison du non renouvellement du bail.
Il peut arriver aussi que le bailleur s'oppose au droit au renouvellement du bail, sans avoir à régler d'indemnité d'éviction. Cela ne peut se produire que dans les cas suivants(18):
1°) s'il justifie d'un motif grave et légitime à l'encontre du preneur sortant.
Ce motif doit consister soit dans l'inexécution par le locataire d'une obligation substantielle du bail, soit encore dans la cessation de l'exploitation de l’activité ;
Ce motif ne peut être invoqué que si les faits se sont poursuivis ou renouvelés plus de deux mois après une mise en demeure du bailleur, par signification d'huissier de justice ou notification par tout moyen permettant d'établir la réception effective par le destina- taire, d'avoir à les faire cesser.
2°) s'il envisage de démolir l'immeuble comprenant les lieux loués, et de le reconstruire. Le bailleur doit dans ce cas justifier de la nature et de la description des travaux projetés.
Le preneur a le droit de rester dans les lieux jusqu'au commencement des travaux de démolition, et il bénéficie d'un droit de priorité pour se voir attribuer un nouveau bail dans l'immeuble reconstruit.
Si les locaux reconstruits ont une destination différente de celle des locaux objet du bail, ou s'il n'est pas offert au preneur un bail dans les nouveaux locaux, le bailleur doit verser au preneur l'indemnité d'éviction.
Le bailleur peut, sans versement d'indemnité d'éviction, refuser le renouvellement du bail portant sur les locaux d'habitation accessoires des locaux principaux, pour les habiter lui-même ou les faire habiter par son conjoint ou ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint. Cette reprise ne peut être exercée lorsque le preneur établit que la privation de jouissance des locaux d'habitation accessoires apporte un trouble grave à la jouissance du bail dans les locaux principaux, ou lorsque les locaux principaux et les locaux d'habitation forment un tout indivisible(19).
Le nouveau bail prend effet à compter de l'expiration du bail précèdent si celui-ci est à durée déterminée, ou à compter de la date pour laquelle le congé a été donné si le bail précèdent est à durée indéterminée(20).
Le sous-locataire peut demander le renouvellement de son bail au locataire principal dans la mesure des droits que celui-ci tient de la personne investie par la loi ou une convention du droit de donner en location. Ce droit est soumis aux dispositions des articles 118 à 122 de l’acte uniforme sur le droit commercial général. L'acte de renouvellement de la sous-location doit être porté à la connaissance du bailleur dans les mêmes conditions que la sous-location initialement autorisée(21).
Le preneur sans droit au renouvellement, quel qu'en soit le motif, peut être remboursé des constructions et aménagements qu'il a réalisés dans les locaux avec l'autorisation du bailleur.
Le bailleur qui prétend échapper au paiement de l’indemnité d’éviction pour avoir donné congé pour juste motif de sous location sans autorisation de sa part doit prouver qu’il a mis en demeure le preneur de cesser cette sous location et que cette mise en demeure est restée sans suite. A défaut, il est tenu de payer une indemnité d’éviction(22).
Qu’il est de jurisprudence constante, que la notification d’un congé au preneur équivaut à un refus de renouvellement du bail de la part du bailleur, lequel est alors tenu au paiement d’une indemnité d’éviction(23).
DU CONTENTIEUX JUDICIAIRE ET JURIDICTION COMPETENTE
Que la résiliation soit prononcée ou constatée à la demande d’une partie au bail, la juridiction compétente, la procédure et les effets de la résiliation sont identiques(24).
A défaut d'accord entre les parties, le preneur peut saisir la juridiction compétente dès l'expiration du bail à durée déterminée non renouvelé, ou encore dès la notification du congé du bail à durée indéterminée(25).
Sauf convention contraire des parties, les contestations découlant de l'application des dispositions de l’acte uniforme portant droit commercial général sont portées à la requête de la partie la plus diligente, sauf dispositions contraires, devant la juridiction compétente, statuant à bref délai, dans le ressort de laquelle sont situés les locaux donnés à bail(26).
La demande en justice aux fins de résiliation du bail professionnel doit être précédée d’une mise en demeure d’avoir à respecter la ou les clauses ou conditions du contrat violés comme nous l’avons développé ci-haut.
La partie qui entend poursuivre la résiliation du bail doit notifier aux créanciers inscrits une copie de l’acte introductif d’instance. La décision prononçant ou constatant la résiliation du bail ne peut intervenir qu’après l’expiration d’un délai d’un mois suivant la notification de la demande aux créanciers inscrits(27).
Il peut arriver que les parties aient prévu dans le contrat la clause d’une conciliation préalable à la saisine de la juridiction compétente. Si, face à cette prévision, une des parties saisit directement la juridiction compétente sans se conformer à la procédure de conciliation préalable, son action sera déclarée irrecevable en raison de la méconnaissance de cette clause.
Par ailleurs, la décision du juge doit être suffisamment motivée en ce sens que la décision qui ordonne l’expulsion sans avoir préalablement constaté la résiliation du bail doit être annulée car non suffisamment motivée.
Il est important de rappeler que la résiliation du bail professionnel doit être judiciaire, c’est-à-dire, même s’il ne s’agit que de constater la résiliation, elle doit émaner d’une décision de justice précédée d’une mise en demeure préalable et le juge doit commencer par prononcer la résiliation du bail avant l’expulsion du preneur et de tout occupant de sa suite.
La détermination de la juridiction compétente relève de la législation nationale étant donné le silence de cette question par le législateur communautaire en matière du bail professionnel pouvant connaître de l’expulsion du preneur en cas de défaut de paiement. De ce fait, il incombe à la juridiction nationale saisie d’une demande de résiliation du bail commercial, de rechercher dans les règles du droit interne, si elle est compétente ratione materiae pour connaître de ladite demande(28).
Le juge de référés est incompétent de connaître des actions en résiliation d’un bail professionnel et de ses suites car, depuis la modification de l’A.U.D.C.G., la CCJA a constamment interprété l’expression « statuant à bref délai » qui ne désigne pas ipso facto le juge des référés mais fait par contre obligation aux juridictions compétentes de se prononcer sur ces types de litiges plus rapidement que d’habitude(29).
La CCJA a jugé que la périphrase « à bref délai » contenue dans l’article 133 de l’A.U.D.C.G. en son alinéa 3 ne renvoie pas ipso facto à la notion de référé. La juridiction présidentielle peut statuer « en la forme des référés » ou « comme en matière de référé » sans être pour autant juge des référés mais bien en tant que juge du fond, en abrégeant les délais habituels de citation. En interprétant l’article 133 comme elle l’a fait, compte tenu de la complexité du litige, la Cour d’appel qui a annulé l’Ordonnance par laquelle le Président du tribunal de commerce de pointe noire-noire a constaté la résiliation d’un bail, puis statuant à nouveau, s’est déclarée incompétente et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, n’a en rien violé l’article 133(30).
Par ailleurs, dans le même ordre d’idées, il a été décidé qu’en application des articles 123, 126, 131 et 133 de l’A.U.D.C.G., dispositions impératives, la procédure de résiliation judiciaire d’un bail commercial doit se faire suivant une procédure rigoureusement déterminée par l’article 133 dudit acte uniforme selon lequel l’expulsion ne peut être prononcée qu’après une résiliation prononcée par la juridiction de fond compétente, obligatoirement précédée d’une mise en demeure par voie d’huissier de justice et reprenant sous peine de nullité les mentions dudit article. Ainsi, l’expulsion par voie judiciaire d’un bail professionnel, comme c’est le cas en l’espèce, ne peut être ordonnée, au sens dudit article, que par la juridiction compétente statuant à bref délai, qui est ici un juge du fond et non le juge de référé, incompétent en l’espèce, ce d’autant plus que le bail litigieux pose le problème de sa tacite reconduction et du remboursement éventuel des investissements réalisés par le preneur avec l’accord du bailleur. Rien de tel n’ayant été scrupuleusement respecté dans la présente procédure, il échet dès lors d’infirmer l’Ordonnance querellée, de déclarer le juge des référés incompétent pour statuer sur la résiliation d’un bail commercial et conséquemment sur l’expulsion du preneur(31).
En R.D.C., le Tribunal de Commerce connaît en matière de droit privé(32):
1. des contestations relatives aux engagements et transactions entre commerçants ;
2. des contestations entre associés, pour raisons de société de commerce;
3. des contestations entre toutes personnes relatives aux actes de commerce, en ce compris les actes relatifs aux sociétés commerciales, aux fonds de commerce, à la concurrence commerciale et aux opérations de bourse ;
4. des actes mixtes si le défendeur est commerçant;
5. des litiges complexes comprenant plusieurs défendeurs dont l'un est soit caution, soit signataire d'un chèque bancaire, d'une lettre de change ou d'un billet à ordre ;
6. des litiges relatifs au contrat de société ;
7. des faillites et concordats judiciaires.
Il connaît, en matière de droit pénal, des infractions à la législation économique et commerciale, quel que soit le taux de la peine ou la hauteur de l'amende.

DE LA RESILIATION DU BAIL PROFESSIONNEL
La résiliation est un acte par lequel l'une des parties met fin au contrat successif, pour l'avenir et sans rétroactivité.
La résiliation du contrat du bail professionnel répond à des critères particuliers.
Le preneur et le bailleur sont tenus chacun en ce qui le concerne au respect de chacune des clauses et conditions du bail car la violation d’une des dispositions contractuelles peut entraîner la résiliation. Dans ce cas, la demande en justice aux fins de résiliation du bail professionnel doit être précédée d’une mise en demeure d’avoir à respecter la ou les clauses ou conditions du contrat violées . Cette mise en demeure est faite par acte d’huissier ou notifiée par tout moyen permettant d’établir sa réception effective par le destinataire. Il peut s’agir d’une lettre sous seing privé pouvant attester de son accusé de réception par son destinataire.
A peine de nullité, la mise en demeure doit indiquer la ou les clauses et conditions du bail non respectées et informer le destinataire qu’à défaut de s’exécuter dans un délai d’un mois à compter de sa réception, la juridiction compétente statuant à bref délai sera saisie aux fins de résiliation du bail et d’expulsion, le cas échéant, du preneur et de tout occupant de son chef.
Le contrat de bail peut prévoir une clause résolutoire de plein droit. Dans ce cas, la juridiction compétente statuant à bref délai n’aura qu’à constater la résiliation du bail et à prononcer, le cas échéant, l’expulsion du preneur et de tout occupant de son chef, en cas d’inexécution d’une clause ou d’une condition du bail après la mise en demeure sus visée, le contrat étant la loi des parties. La partie qui entend poursuivre la résiliation du bail doit notifier aux créanciers inscrits une copie de l’acte introductif d’instance. La décision prononçant ou constatant la résiliation du bail ne peut intervenir qu’après l’expiration d’un délai d’un mois suivant la notification de la demande aux créanciers inscrits(33) et de ce fait, la clause résolutoire de plein droit est inopérante et de ce fait, dépourvues d’effets automatiques car la résiliation du contrat de bail professionnel ne peut que relever de la compétence exclusive du juge.
Il a été jugé que le défaut de paiement des loyers peut être une mention suffisante pour la mise en demeure du preneur(34) et dans ce cas, l’inaction du preneur après la mise en demeure l’expose à la résiliation et à l’expulsion des lieux loués.
La Cour commune de justice et d’arbitrage a jugé en outre que « l’acte uniforme portant droit commercial général qui régit le bail professionnel n’est pas applicable à l’occupant irrégulier en ce sens que les dispositions d’ordre public relatives au respect des formalités de la mise en demeure avant expulsion ne sont applicables qu’à l’occupant régulier » (35). De ce fait, nous pouvons déduire que cet acte uniforme ne s’applique qu’en cas d’existence du contrat de bail régulièrement conclu entre bailleur et preneur qui servira de soubassement. Le contraire entraine les considération de l’occupation illégale qui peut causer l’expulsion ordonnée sur simple procès-verbal de constat des lieux illégalement occupés.
En matière de bail professionnel le préavis de libérer les lieux loués ne vaut. Il ne peut aucunement se substituer à la mise en demeure.

II. CONCLUSION
Le bail professionnel n’est pas à confondre avec le bail non professionnel.
Dans le souci d’étendre le bail commercial à toutes les activités professionnelles, le législateur communautaire OHADA a substitué la dénomination du bail professionnel à celle du bail commercial.
Le bail professionnel est régi par les disposition de l’acte uniforme OHADA relatif au droit commercial générale du 23 Novembre 2017 tandis que le bail non professionnel est régi par la loi nationale, spécifiquement pour la R.D.C., par la loi n°15/ 025 du 31 décembre 2015 relative aux baux a loyer non professionnels.
Le bail professionnel est défini par les dispositions de l’article 103 de l’acte uniforme précité comme « toute convention, écrite ou non, entre une personne investie par la loi ou une convention du droit de donner en location tout ou partie d’un immeuble compris dans le champ d’application de l’acte uniforme sur le droit commercial général, particulièrement sur le bail professionnel, et une autre personne physique ou morale, permettant à celle-ci, le preneur, d’exercer dans les lieux avec l’accord de celle-là, le bailleur, une activité commerciale, industrielle, artisanale ou toute autre activité professionnelle».
Pour la résiliation de ce type de bail, il est préalablement exigé au bailleur de mettre le preneur en demeure d’avoir à respecter, à peine de nullité, la ou les clauses contractuelles violées endéans un mois à compter de la réception de cette mise en demeure.
Toutefois, si le contrat de bail prévoit une clause résolutoire de plein droit, la juridiction compétente statuant à bref délai sera tenue de constater la résiliation du bail et prononcer, le cas échéant, l’expulsion du preneur et de tout occupant de son chef, en cas d’inexécution d’une clause ou d’une condition du bail après la mise en demeure prérappelée.
Le preneur qui justifie avoir exploité, conformément aux stipulations du bail, l'activité prévue à celui-ci, pendant une durée minimale de deux ans, acquiert le droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée.
Dans le cas du bail à durée déterminée, le preneur qui a droit au renouvellement de son bail tel que décrit ci-dessus peut le demander par signification d'huissier de justice ou notification par tout moyen permettant d'établir la réception effective par le destinataire, au plus tard trois mois avant la date d'expiration du bail(36). Le preneur qui n'a pas formé sa demande de renouvellement dans ce délai est déchu du droit au renouvellement du bail et ne peut plus s’en prévaloir car il en est supposé un désintéressement de sa part.
Le bailleur est tenu par contre de faire connaitre sa réponse à la demande de renouvellement au plus tard un mois avant l'expiration du bail, faute de le faire, il est réputé avoir accepté́ le principe du renouvellement de ce bail(37).
Dans le cas d'un bail à durée indéterminée, toute partie qui entend le résilier doit donner congé par signification d'huissier de justice ou notification par tout moyen permettant d'établir la réception effective par le destinataire au moins six mois à l'avance.
Le bailleur peut s'opposer au droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée en réglant au locataire une indemnité d'éviction.
L'indemnité d'éviction est évaluée en fonction du dommage subi. Elle doit couvrir l'intégralité du préjudice causé au locataire en raison du non renouvellement du bail.
Le bailleur peut, sans versement d'indemnité d'éviction, refuser le renouvellement du bail portant sur les locaux d'habitation accessoires des locaux principaux, pour les habiter lui-même ou les faire habiter par son conjoint ou ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint.

MOTS CLES : Bail, bail professionnel, résiliation, résiliation du bail, bailleur, preneur, congé, mise en demeure, préavis, bail commercial.


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