LA CAPITALISATION DE LA ZONE DE LIBRE-ECHANGE CONTINENTALE AFRICAINE (Z.L.E.C.Af.) POUR LES CHARGEURS DE L’UCCA

1. Qu’est ce que la ZLECAf ?

La Zone de Libre-Echange Continentale Africaine est actuellement la plus grosse initiative d’intégration économique des Etats africains et l’étape de base dans la mise sur pieds d’un Marché Commun Africain (M.C.A.) et d’une Communauté Economique Africaine (C. E. A.) à l’horizon 2063(1). C’est un espace commercial continental où les pays-membres de l’Union Africaine (U.A.) ont décidé d’abolir leurs barrières tarifaires entre eux, en les conservant vis-à-vis du reste du monde, dans le but d’intégrer les échanges entre les différentes communautés économiques régionales, dans un marché continental élargi et sécurisé pour les marchandises et les services ainsi que la politique de concurrence, l’investissement et la propriété intellectuelle entre les États parties(2).

La décision de sa création fut prise en janvier 2012, et les négociations lancées à Johannesburg en juin 2015 pour ce faire, n’ont été réalisées qu’en 2016, avec date de signature de l’Accord d’établissement le 21 mars 2018 à Kigali, par 44 États membres de l’Union Africaine, pour une entrée en vigueur le 30 mai 2019 (après 22 ratifications). Cependant, du fait de la survenance de la pandémie de Covid 19, elle est finalement entrée définitivement en vigueur le 1er janvier 2021, sous la ratification d’une trentaine de pays africains.

Elle prône un renforcement des relations commerciales des Etats et des Communautés économiques régionales (CER) et entend accélérer la libre circulation des personnes, des capitaux, des marchandises et des services, qui sont essentiels pour le renforcement de l’intégration, la promotion du développement agricole, la sécurité alimentaire, l’industrialisation et la transformation financière du continent, conformément à la vision panafricaine d’une « Afrique intégrée, prospère et pacifique » telle qu’énoncée dans l’Agenda 2063 de l’Union Africaine.

Quelles sont ses implications pour les chargeurs africains ?

En 2018, les échanges intra-africains étaient estimés à 74 000 milliards, représentant 15% des exports du continent dans le monde, alors qu’en Union européenne, ils sont pratiquement à 50% et 45% en Amérique Latine. Bien plus, entre 2017 et 2018, les exportations intra-africaines de marchandises étaient en croissance d’1%, alors que celles avec le monde croissaient de 22% ; tandis que pour les services, ils croissaient de 5% alors qu’avec le monde, ils étaient de 7%. Cependant, l’Afrique est le deuxième continent le plus peuplé, avec près de 70% de sa population en dessous de 30 ans ; elle possède près de 30% des ressources minières mondiales, étant la plus grande réserve de métaux précieux dont 40% pour l’or, 60% pour le cobalt et 90% pour le platine. Mais elle ne représente que 2,4% du PIB général et juste 4% du commerce mondial, avec pourtant 60% des sols arables non cultivés de la planète(3).

L’ambition est donc, à court terme, de créer un marché panafricain de 1,2 milliards de consommateurs, avec environ 60% d’échanges intra-africains, un PIB général de 2 500 à 6 400 milliards de Dollars, un accroissement du PIB réel de 0,39%, des exportations en augmentation de 6,4% pour l’agro-alimentaire ; 4,73 % pour le secteur industriel ; 4,39 % pour celui minier et jusqu’à 0,93 % pour les services, à l’horizon 2030. Or plusieurs pays africains commercent uniquement sous un taux préférentiel communautaire soit réduit, soit égal à zéro et les membres d’Unions Douanières accomplies telle la SACU opèrent en totale exemption douanière les uns avec les autres, alors que ces taux sont souvent très élevés dans leurs échanges avec les Etats hors accord préférentiel. Il est donc impérieux de booster ce commerce intra-africain, par l’élimination de toutes ces entraves.

A cet effet, quoique tous les Protocoles de l’Accord sur la ZLECAf portent sur l’activité du commerce intra africain et donc touchent à un niveau ou à un autre les entrepreneurs du continent, deux d’entre ceux-ci sont directement liés aux chargeurs africains en tant qu’ayant-droits aux marchandises, dans le cadre d’un contrat de transport, notamment, les Protocoles sur le commerce des marchandises et celui sur les services, qui font tous deux parties de la phase 1 du projet. Concernant tout d’abord le Protocole sur les marchandises, toutes ses annexes s’appliquent immédiatement aux biens échangés, avec cependant, une emphase sur la Coopération douanière et l’assistance administrative mutuelle, ainsi que la Facilitation des échanges et le Transit, pour ce qui est du contrat de transport de biens.

Ensuite, dans le volet des services, certains sont directement liés aux chargeurs, du fait qu’ils portent entièrement sur les activités de déplacement de marchandises, à l’instar du Protocole sur les trafics aériens, ainsi que la liste des cinq secteurs prioritaires à libéraliser qui prévoit entre autres, les transports dans leurs différents modes. Il est donc impérieux de scruter les possibilités pour les chargeurs africains de bénéficier de cette initiative continentale, dont la mauvaise gestion pourrait leur être source de problèmes notables.
2. Quels sont les défis à relever pour une meilleure rentabilité de la ZLECAf pour les chargeurs africains ?

Les difficultés rencontrées par les chargeurs dans la mise en œuvre de la ZLECAf peuvent être de deux ordres, selon qu’on les définisse tout simplement comme des entrepreneurs, au même titre que tous les autres opérateurs économiques, ou selon qu’on les entrevoie dans leur spécificité de cocontractants à une convention de transport de marchandises.

Dans la première hypothèse, à l’instar des autres entrepreneurs du Commerce international, ils ont besoin de bénéficier des 7 axes d’intervention définis par les Etats dans leurs consultations avec le secteur public dans la mise en œuvre de l’Accord, notamment : l’appropriation de l’Accord sur la Zone de Libre-échange Continentale Africaine ; la révision du cadre juridique et institutionnel ; l’amélioration de la quantité et la qualité des infrastructures économiques et commerciales ; la réduction des barrières tarifaires et non tarifaires ainsi que tous les obstacles au commerce ; l’appui à la transformation ; le développement des chaînes de valeurs transfrontalières ; la mise en œuvre ainsi que le suivi-évaluation des stratégies nationales en la matière.

Cependant, en tant qu’ayants-droits à la marchandise dans le cadre d’un contrat de transport de biens, les chargeurs de l’UCCA ont besoin que toutes les facilités leur soient accordées dans leurs opérations de transports maritimes, aériens, ferroviaires, routiers, fluviaux, multimodaux et que leurs vis-à-vis intermédiaires de transports soient de même accompagnés. Et à cet égard, un renforcement de leurs droits dans les textes devant régir la matière est fort impérieux à l’orée de la tendance actuelle des transporteurs à abuser de leurs positions dominantes devant des chargeurs affaiblis comme ceux de l’UCCA(4).

Ensuite, la coopération douanière doit être effective afin d’intégrer les desiderata des chargeurs africains dans les politiques y afférentes, de même que les différentes mesures d’accompagnement relatives à la Facilitation des échanges, pour mieux booster la circulation transfrontière des produits(5). Les questions relatives au transit des marchandises doivent de même être réglées, avec une particulière emphase sur les problèmes liés aux corridors qui, plutôt que d’être sous-régionaux, requièrent désormais un véritable développement continental, d’où l’urgence de la mise en œuvre du PIDA dont une partie appréciable porte sur le développement des infrastructures de transport à l’échelle panafricaine(6).

NOTES INFRA-PAGINALES
1. www.tralac.org / info@tralac.org / @tradelawcentre / tralac, 2019.
2. Préambule de l’Accord du 21 mars 2018 portant création de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine.
3. OLOMO ATEKE Engelbert, « Quelle stratégie nationale de mise en œuvre de l’Accord sur la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAf) au Cameroun ? », CNCC, Atelier d’information et de sensibilisation sur la ZLECAf du 11 décembre 2019 au GICAM, Douala.
4. KENGUEP Ebénézer, Le droit maritime de la CEMAC à l’ère de la réforme, CRAF 2020-2021.
5. TCHIMOGNE André, TCHOKOTE Eric, « Les corridors des Etats membres de l’OMAOC pour les chargeurs de l’UCCA : qu’est ce qui fait problème pour quelles solutions plus optimales ? » The african african shiipers’news, Août 2020, pp. 40 et s.
6. https://www.au-pida.org


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