L’OPTIMISATION DES CORRIDORS DES ETATS MEMBRES DE L’OMAOC POUR LES CHARGEURS DE L’UCCA1

1. L’importance des corridors pour les Etats de l’UCCA?

Les corridors peuvent être définis comme des voies d'acheminement de marchandises sur un État particulier, donnant accès à un espace de transport, notamment à la mer, à travers le territoire d’un autre Etat. C’est un couloir sous-régional de transport ou de transit des marchandises, généralement à destination des pays n’ayant pas un accès à la mer. En zone UCCA, ils sont constitués par les itinéraires de désenclavement du Burkina Faso, du Niger et du Mali pour l’Afrique de l’Ouest ; ainsi que de la République Centrafricaine et du Tchad, pour la sous-région d’Afrique du Centre . Ils se composent de quelques réseaux routiers reliant les centres économiques, que viennent soutenir ceux ferroviaires, fluviaux et lacustres, et sont classés, en raison de la balance commerciale déficitaire de l’Afrique subsaharienne, comme des corridors d’importation.

Leur amélioration pourrait permettre un accroissement des échanges régionaux avec l’ouverture des marchés et la croissance quantitative et qualitative des flux des biens et services en favorisant une grande compétitivité internationale des produits locaux, par la baisse ou l’élimination des coûts de transaction et des barrières directes et / ou indirectes au commerce de marchandises2.Bien plus, dans le cadre de l’adoption d’une nouvelle orientation politique des transports au niveau panafricain, grâce au Programme des Infrastructures de Développement en Afrique (P.I.D.A.), et à l’entrée en vigueur, le 1er Janvier 2021,d’une Zone de Libre Echange Continentale Africaine (Z.L.E.C.Af.), il est important d’assurer aux corridors de l’UCCA une capacité à compétir et se compléter avec ceux d’ailleurs3.

2. Quelle est la situation actuelle sur les corridors des pays de l’UCCA ?

- D’un point de vue infrastructurel, les corridors de la zone OMAOC souffrent d’un déficit qualitatif et quantitatif. Sur le plan qualitatif, ils sont en mauvais état, construits en période coloniale, ne respectant plus les critères modernes de classification des réseaux et dénués d’installations complémentaires ou secondaires à leur exploitation. Leur quantité est inférieure à la demande actuelle, avec une inexistence de certaines infrastructures nécessaires à l’inter-connectivité, ce qui obstrue la multimodalité des transports en zone UCCA.

- D’un point de vue institutionnel, l’on y dénombre tout d’abord une absence d’organe autonome de gestion de corridors. De plus, l’on y note une pléthore de postes de contrôles, entraînant une obésité des documents requis et une forte pratique de corruption. Juridiquement, les textes ne sont pas souvent très clairs, à l’instar de la dualité des textes (OHADA et CEMAC) devant régir le transport routier de marchandises diverses4. L’on y déplore aussi le caractère désuet et mal adapté de la réglementation relevant parfois d’entreprises et souvent d’obédience coloniale, ainsi qu’une lourdeur des procédures judiciaires en cas de contentieux5.

- Quant à leur situation sociopolitique, les corridors de l’Afrique subsaharienne pâtissent des multiples instabilités civiles et militaires que connait actuellement cette partie du globe (Boko Haram pour le Nigéria ainsi que le Cameroun et ses voisins du Tchad et de la RCA, nombreuses crises au sein de ces derniers). De plus, la situation des coupeurs de routes sur ces corridors en fait une zone d’insécurité pour les exploitants, avec de multiples grèves et autres manifestations des transporteurs dont l’impact sur les transports inter-Etats se chiffre à plusieurs milliards de Franc CFA.

- Quant à l’aspect économique, il faut relever que commercialement, ces corridors souffrent d’un déficit d’attractivité avec une lenteur dans l’acheminement des marchandises et des coûts logistiques extrêmement lourds. Ceci aboutit à un déroutement de trafic vers des corridors plus sûrs et moins coûteux, en affaiblissant les échanges intra-communautaires. En outre, l’on y déplore une rareté des financements, dont l’obtention en cas d’existence, n’est pas aisée du fait de l’extrême lourdeur des procédures.

3. Quelles sont les solutions proposées pour juguler ces écueils ?

Sur le plan infrastructurel, il faudrait entretenir les installations existantes, construire des infrastructures modernes, moins destructrices pour l’environnement et totalement adaptées aux économies des pays de l’OMAOC. Il faut y intégrer des ports secs avec leurs bureaux, pour les marchandises en transit hors des villes, évitant ainsi les embouteillages et permettant un désengorgement des zones portuaires, par la mise en place des centres logistiques intermédiaires et complémentaires. L’on devrait développer le système d’interconnexion entre les différents modes afin de rendre réels les transports multimodaux dans la sous-région (un réseau fluvial interrégional, des réseaux ferroviaires communautaires et des réseaux routiers reliant les pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre).

Sur le plan technologique, il faudrait systématiser le GPS, dont la pose devrait s’effectuer simultanément avec l’identification de la personne en charge du transport, le conducteur et le convoyeur. Par ailleurs, l’état du matériel roulant devrait être sérieusement réexaminé, avec une nécessaire intégration des nouvelles technologies et une harmonisation des normes quant aux installations, la digitalisation ou dématérialisation des documents du commerce international étant une nécessité.

Sous un angle institutionnel, des autorités autonomes de gestion des corridors devraient être mises sur pied, en isolant la gestion des infrastructures de leur exploitation. Juridiquement, une modernisation et une harmonisation des textes relatifs aux transports et à la douane seraient opportunes, à l’orée de la mise en place d’une Zone de Libre Echange Continentale Africaine (ZLECAf)7.

Dans cette foulée, les documents, les contrôles et les barrières administratives et douanières devraient se réduire à leur plus stricte minimum, avec des check-points aux départs de prise en charge des marchandises et sur les sorties du territoire du pays de transit.

Sur un plan sociopolitique, il est nécessaire d’examiner les crises qui minent la région et les juguler pour une stabilité des trafics. De même, le phénomène d’incivisme et autres irrégularités des parties prenantes devrait se régler par des formations et des campagnes de sensibilisation aux transports en zone OMAOC, avec une professionnalisation des opérateurs dont les pratiques et le statut relèvent actuellement de l’artisanat.

Enfin économiquement, il faut mettre en œuvre des mesures adéquates de financement, le coût des infrastructures étant excessif et rentable à long terme, de même qu’un suivi méticuleux de leur utilisation pour assurer l’effectivité des ouvrages. Vis-à-vis des chargeurs, il est nécessaire de réduire le nombre d’intermédiaires aux transports inter-Etats, en mettant sur pied une bourse de fret et développer un secteur bancaire et des assurances adaptés aux besoins des chargeurs africains, ainsi que des mesures fiscales favorables à leurs intérêts. Il est impérieux de parvenir en région de l’UCCA à une réduction significative des coûts des transports des ports vers l’hinterland et vice versa, de manière à compétir avec les autres corridors du continent8.

NOTE INFRA-PAGINALES
1. André TCHIMOGNÉ, Éric TCHOKOTÉ,« Les corridors des États membres de l’OMAOC pour les chargeurs de l’UCCA : qu'est ce qui fait problème pour quelles solutions plus optimales ? », The African shippers’news, Août 2020, pp40 et s.
2. Oumarou MEFIRO, Transports, Logistique et Gestion de la production à flux tendus, D&L, Yaoundé, juin 2014, pp. 63 et s.
3. Jean François REBORA, Joseph-Alain BATOUAN, « Economie des transports et développement des plateformes de transport multimodales, L’Afrique face à l’éclosion d’un nouvel écosystème de transport », Colloque sur le transport multimodal en Afrique centrale, 31 juin 2019.
4. Ali SIDIBE., L’équilibre dans l’exécution du contrat de transport de marchandises par route : étude comparée droits OHADA, français et international, Essai de contribution à la législation communautaire OHADA, Thèse, Panthéon Sorbonne, nov. 2019, pp. 20 et s.
5. Ebénézer KENGUEP., Droit des transports OHADA et CEMAC, CRAF 2012, pp. 27 et s.
6. Jean-Calvin ROBENATE, Les politiques de transport routier dans la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, thèse, Université Lumière Lyon 2, oct. 2009, pp 111 et s.
7. Frequently Asked Questions about the African Continental Free Trade Area (AfCFTA), An update, dec. 2019.
8. Oumarou MEFIRO, Transports, espace et logistique, Harmattan, 2012, pp. 98 et s.


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