0. INTRODUCTION
La loi n° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches publics fixe les règles régissant la passation, l’exécution, le contrôle ainsi que le contentieux des marchés de travaux, de fournitures, de services et de prestations intellectuelles passés par l’Etat, les provinces, les entités territoriales, les entreprises publiques et les établissements publics (1). Ce texte de base est amplement complété par le Décret n°10/22 du 2 juin 2010 relatif au Manuel de Procédures de la Loi relative aux Marchés Publics et d’autres textes réglementaires et d’autres textes Organiques, notamment le Décret n° 10/21 du 02 juin 2010 portant création, organisation et fonctionnement de l’Autorité de Régulation des marches publics, en sigle « ARMP », etc.
Au sens de la Loi n° 10/010 du 27 avril 2010, le marché public est un contrat écrit par lequel un entrepreneur, un fournisseur ou un prestataire s’engage envers l’autorité contractante fournissant une contribution ou une garantie financière, soit à réaliser des travaux, soit à fournir des biens ou des services, soit à exécuter des prestations intellectuelles, moyennant un prix(2).
Par entendement légal, les marchés publics spéciaux sont ceux qui ne répondent pas, pour tout ou partie, aux dispositions relatives aux marchés par appel d’offres ou aux marchés de gré à gré. Ils comprennent les marchés relatifs à la défense nationale, à la sécurité et aux intérêts stratégiques de l’État (3).
La présente étude dénonce le vide juridique sur les modalités de passation des marchés publics spéciaux. Entre d’autres, la Loi relative aux marchés publics a préconisé la signature, par le Premier Ministre, d’un Décret (4) déterminant les modalités de passation des marchés publics spéciaux vu leur caractère sensible lié à la vie et survie de l’Etat.
Malgré l’exigence légale, ce Décret n’a jamais été signé par le Premier Ministre. Devant ce vide juridique, quelle est la procédure à suivre pour la passation de ces marchés ?
I. PROCEDURE ORDINAIRE DE PASSATION DES MARCHES PUBLICS
Les marchés publics sont passés par appel d’offres. Ils peuvent exceptionnellement être attribués selon la procédure de gré à gré dans les conditions définies dans la présente loi.
L’appel d’offres est la procédure par laquelle l’autorité contractante choisit, sans négociation avec les candidats, l’offre économiquement la plus avantageuse, évaluée sur la base de critères objectifs préalablement portés à la connaissance des candidats et exprimés en termes monétaires (5). Il est ouvert, restreint ou sur concours (6).
L’appel d’offres est dit ouvert lorsque toute personne intéressée par le marché peut soumettre une offre (7). A en croire l’article 27 de la Loi relative aux marchés publics, la technique d’appel d’offre sur concours est possible lorsque des motifs d’ordre technique, esthétique, environnemental ou financier justifient des recherches particulières. Le concours porte sur la conception d’une œuvre ou d’un projet architectural. Il a lieu sur la base d’un programme établi par l’autorité contractante qui indique les besoins auxquels doit répondre la prestation et fixe, le cas échéant, le maximum de la dépense prévue pour l’exécution du budget et s’effectue selon la procédure d’appel d’offres ouvert ou restreint (8).
L’appel d’offres est dit restreint lorsque seuls peuvent remettre des offres, les candidats que l’autorité contractante a décidé de consulter. Le nombre et la qualité de candidats admis à soumissionner assurent une concurrence réelle. Il est ensuite procédé comme en matière d’appel d’offres ouvert (9).
Le recours (10) à cette procédure est autorisé par le législateur congolais que dans les hypothèses ci-après :
- Disponibilité des travaux ou services, objet du marché, à un nombre limité de fournisseurs, d’entrepreneurs ou prestataires ;
- L’invitation de tous les candidats par l’autorité contractante ;
- La motivation, par l’autorité contractante, du choix de cette procédure et
- L’autorisation du service chargé du contrôle des marchés publics (DGCMP).
Par contre, la procédure de gré à gré peut être activée que pour les cas prévus par la Loi (11) et suivant la procédure ci-après : La Demande, par l’autorité contractante, de l’autorisation auprès du service chargé du contrôle des marchés publics et la description, par l’autorité contractante, du recours à la procédure de gré à gré.
II. PROCEDURE PRATIQUE DE PASSATION DES MARCHES SPECIAUX, A DEFAUT DE LA PROCEDURE LEGALE
Les marchés publics spéciaux ne concernent que l’acquisition des équipements ou fournitures et les prestations de toute nature strictement liées à la défense nationale, à la sécurité et aux intérêts stratégiques de l’État. Selon le vœu du législateur de 2010, un Décret du Premier ministre délibéré en conseil des ministres, devrait déterminer leurs modalités de passation.
A l’absence de ce Décret, la pratique s’accroche à l’article 42.5 de la Loi sur les marchés publics pour soumettre ces marchés à la procédure de gré à gré. Cet article dispose : « Il ne peut être passé de marché de gré à gré que dans l’un des cas suivants :… lorsqu’il s’agit des marchés spéciaux définis aux articles 44 et 45 de la présente loi ».
Or, l’article 44 de la même Loi crée une ambiguïté juridique lorsqu’il dispose : « Les marchés spéciaux sont ceux qui ne répondent pas, pour tout ou partie, aux dispositions relatives aux marchés par appel d’offres ou aux marchés de gré à gré. Ils comprennent les marchés relatifs à la défense nationale, à la sécurité et aux intérêts stratégiques de l’État ».
Notre critique est la suivante : D’une part, conformément à l’article 44 sus-évoqué, en cas d’exclusion totale de la procédure d’appel d’offres ou de gré à gré pour ces marchés, quelle est la procédure qui sera d’application ?
D’autre part, en cas du maintien d’une partie de la procédure d’appel d’offre ou de gré à gré, quels sont les éléments de la procédure d’appel d’offres ou de gré à gré qui seront retenus ou exclus ?
Rappelons que le dossier d’appel d’offre exige l’avis d’appel d’offres, le cahier des clauses administratives générales, le règlement particulier de l’appel d’offres; le cahier des clauses administratives particulières ; le cahier des clauses techniques générales ; le cahier des clauses techniques particulières, les termes de référence ou le descriptif de la fourniture ; le cadre du bordereau des prix unitaires ; le cadre du détail estimatif, le cadre du sous-détail des prix ;les formulaires types relatifs notamment à la soumission et la caution ; le cas échéant, les documents techniques (plans, dessins, notes de calcul) ou tout autre document jugé nécessaire par l’autorité contractante.
Et en cas d’un marché public dont le montant est supérieur ou égal au seuil réglementaire, l’avis d’appel à la concurrence est porté à la connaissance du public. La publicité est faite par insertion, dans les mêmes termes, dans la presse nationale et/ou internationale et sous mode électronique, selon un document modèle qui en fixe les mentions obligatoires. Cette obligation concerne également les avis de pré qualification. L’absence de publicité entraîne la nullité de la procédure (12).
En réalité, c’est la publicité, pour la procédure d’appel d’offre, qui pose problème pour les marchés spéciaux en vertu de leur caractère sensible. Profitant de ce vide juridique, les autorités contractantes tripotent parfois des procédures et signent sournoisement certains marchés.
S’agissant de la procédure de gré à gré, affirmons que celle-ci n’est pas suffisamment documentée, c’est-à-dire bien détaillée. Le législateur ne se limite qu’à déterminer la procédure à suivre par l’autorité contractante, les cas d’ouverture et les conditions spécifiques, notamment l’expertise des entrepreneurs, fournisseurs ou prestataires, le contrôle des prix spécifiques durant l’exécution des prestations par l’autorité contractante et l’insertion des obligations comptables auxquelles l’attributaire est soumis.
Bref, devant ce vide juridique, dans la pratique, la procédure exceptionnelle suivie pour ces marchés spéciaux est celle de gré à gré dans les conditions (13) suivantes :
- Autorisation spéciale de la Direction du contrôle des marchés publics (« DGCMP ») ;
- Notification de l’autorisation spéciale par la DGCMP ;
- Avis de non objection de la DGCMP sur le contrat à conclure ;
- Décision d’approbation du contrat par l’autorité de tutelle (14) ;
- Après approbation, l’autorité compétente notifie dans les 3 jours suivant la date de cette approbation, et cela après accomplissement des formalités d’enregistrement auprès de l’autorité de régulation des marchés publics (« ARMP ») (15), le marché à l’autorité contractante avant tout commencement d’exécution (16).
- Publication, dans un délai de 15 jours, d’un avis d'attribution définitive du marché par l’Autorité de régulation des marchés publics.
3. CONCLUSION
La présente étude a dénoncé le vide juridique de la passation des marchés publics spéciaux. Ce vide est amplement crée par le Premier Ministre de suite du défaut de la signature d’un Décret sur les modalités de passation des marchés publics spéciaux. Pour parer à tout risque future pour ce type des marchés, l’étude fait un plaidoyer pathétique auprès du Premier aux fins de signer ce Décret.
BIBLIOGRAPHIE.
1. Art. 1er de la Loi ° 10/010 du 27 avril 2010 relative aux marches publics.
2. Art. 5, idem.
3. Art. 44, ibidem.
4. Art. 45 de la Loi relative aux marchés publics, op.cit.
5. Art. 20 de la Loi relative aux marchés publics, op.cit.
6. Art. 21, idem.
7. Art. 22, ibidem.
8. Art. 28 de la Loi relative aux marchés publics, op.cit.
9. Art. 25, idem.
10. Art. 26, ibidem.
11. Art. 42 de la Loi relative aux marchés publics, op.cit.
12. Art. 34 de la Loi relative aux marchés publics, op.cit.
13. Articles 41 de la loi sur les marchés publics, 87 et 145 du Décret portant manuel des procédures.
14. L’approbation permettra au contrat de produire ses effets ; il sera constaté par un acte signé selon le mode constitutionnel. Pour obtenir l’approbation, l’autorité contractante doit transmettre un dossier comportant les éléments ci-après :
- Un bordereau récapitulant la nature et le nombre des pièces constitutives du dossier d’approbation ;
- Un rapport de présentation précisant l'objet du marché? ou de l'avenant,
- Le régime fiscal ou douanier du marché? ou de l’avenant ;
- L'avis favorable de la DGCMP ;
- Le marché? ou l'avenant signe? par les parties contractantes ;
15. Une pièce justifiant l'existence d'une disponibilité? budgétaire ou d'un financement du marché?. C’est le Ministre ayant le budget dans ses attributions qui doit approuver et ce, conformément à l’article 7 du Décret n° 10/33 du 28 décembre 2010 fixant les modalités d'approbation des marchés publics et des délégations de service public.
16. L’enregistrement consiste à ce que l’autorité de régulation octroi un numéro d’enregistrement à chaque contrat enregistré
17. Articles 10- 12 du Décret n°10/33 du 28 décembre 2010, op.cit.
FIN DU DOCUMENT
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Bonne analyse! Merci à l'auteur de cette étude. MUTEBA, Spécialiste des marchés publics
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Me.Andy TSHIMPAKA MULENDA
Une belle analyse mais dont la solution proposée nous semble un peu trop légère et facilement réfutable. Prendre un décret revet bien évident, d'une obligation principiele du PM, étant donné qu'il est détenteur du pouvoir réglementaire général (en temps ordinaire) mais dans une autre facette son abstention (probablement coupable) peut être motiver par des intérêts politiques voilés. C'est donc l'intérêt théorique d'évoquer la censure par le juge (constitutionnel ou administratif) de toute abstention normative ainsi de prévoire des mécanismes des préssions aux autorités nanties des pouvoirs de normativer. En ce sens, l'analyse déviendrais plus intéressantes.