DE L’EXCEPTION DE COMMUNICATION DES PIECES : VIOLATION DE LA LOI OU GARANTIE DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE
Par
Shekinah NSENGI LIYONGO et Joël NYANGWILE TSHIAMALA
Avocats au Barreau près les Cours d’Appels de la République Démocratique du Congo et Assistants à la Faculté de Droit de l’Université William Booth.

Le droit, s’il est vrai, dans son histoire affirme l’unanimité de la doctrine, a commencé par être le droit pénal spécial, dans la mesure où il a eu pour but dans un premier temps la protection des valeurs les plus cartésiennes de la société en vue de son maintien, il n’en demeure pas faux que dans un second temps il a fini par se saisir des rapports entre particuliers. Ainsi aux fins d’éviter l’arbitraire du juge et de placer les différents litigants sur un même pied d’égalité, les souverains ont édicté des normes de règlement des différends entre privés. La République Démocratique du Congo n’est pas en reste car le 7 mars 1960 a été pris un décret portant code de procédure civile. De façon lapidaire, la procédure civile est comprise comme l’ensemble des règles relatives aux litiges entre privés. François Bohnet définit la procédure civile comme l’ensemble des moyens mis à la disposition des particuliers par l’Etat pour leur permettre d’obtenir la consécration de leurs droits privés qu’ils soient contestées ou subordonnés au prononcer d’une décision. KABASELE KABASELE tout en refusant le terme procédure civile dans la mesure où en République Démocratique du Congo les règles de procédure civile s’appliquent non seulement aux différends entre particuliers mais aussi au droit social, à la procédure administrative prône celui du droit judiciaire en le définissant comme l’ensemble des règles qui gouvernent l’organisation et le fonctionnement de la justice en vue d’assurer la mise en œuvre et la sanction des droits objectifs et subjectifs . Enfin, MUKADI BONY et KATUALA KABA KASHALA définissent la Procédure Civile comme l’ensemble des règles de droit qui sont imposées aux parties aux fins de soumettre à une juridiction leurs prétentions de droit civil et d’en soutenir le bien fondé, et qui sont imposées aux juges pour s’éclairer sur les faits leurs soumis et sur le droit qui s’y applique, afin de dire le droit et d’en déduire la décision conséquente . Elle a donc pour objet, la procédure civile, établir les normes devant être suivi par les personnes privées ou les particuliers, et les juges, devant les instances judiciaires en vue d’aboutir à une décision et à son exécution. La procédure civile congolaise est gouvernée par certains principes que sont le système accusatoire et le principe du dispositif, l’oralité, la publicité des audiences, la publicité des jugements, le délibéré et le contradictoire. Toutefois, au-delà de ces principes universellement reconnus, la procédure civile est régalienne et est portée par les dispositions du code de procédure civile au nombre desquelles figurent l’article 15 du décret du 7 mars 1960 qui dispose : « Les parties sont entendues contradictoirement. Elles peuvent prendre des conclusions écrites ». Que l’arrêté d’organisation judiciaire n°299/79 du 20 août 1979, dans le sillage du décret portant procédure civile, dispose en son article 29 : « Autant que possible, les conclusions sont écrites et communiquées entre parties ou leurs mandataires, soit directement, soit par la voie du greffe avec les pièces dont elles comptent faire usage au moins trois jours avant l’audience où la cause sera appelée » . Ces dispositions, pourtant simples, portent en elles le germe d’une énigme grave. En effet, elle confirme le principe du contradictoire dans un premier temps et introduit un bémol dans un second en arguant que les parties peuvent et non doivent prendre des conclusions écrites ou Autant que possible, les conclusions sont écrites... Or, le principe du contradictoire trouver davantage de l’écho dans la constitution du 18 février 2006 telle que révisée à ce jour dans la mesure l’article 19 alinéa 3 dispose : « le droit de la défense est organisé et garanti » ; Aussi, le principe du contradictoire est un corollaire direct du droit à un procès équitable prévu non seulement dans la déclaration universelle des droits de l’homme mais aussi dans la charte africaine des droits de l’homme et des peuples auxquelles la constitution congolaise en vigueur assure son profond attachement. En effet, le paragraphe 6 de son préambule argue : « Réaffirmant notre adhésion et notre attachement à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples … ». C’est ainsi que dans la pratique judiciaire existe une exception consistant à demander au juge, au nom du droit de la défense, le rejet de tous les moyens et pièces qui n’ont pas fait l’objet de communication préalable entre les différentes parties. Que dans le cadre de la présente étude, il va être question de tenter d’analyser si cette exception est une violation de la loi dans la mesure où la loi n’oblige pas aux parties de se communiquer ou si le principe du contradictoire est un impératif supérieur à la loi. Pour répondre à cette préoccupation, il va falloir dans un premier temps dire un mot sur la violation de la loi (point I), ensuite sur le principe du contradictoire(II) avant de pouvoir conclure (III). I. La violation de la loi Avant de pouvoir dire un mot sur la violation de la loi (b), il sied, in limine, de saisir la notion de la loi tout en la distinguant du droit (a). a. Notion de la loi Du latin lex, la loi est une terminologie générique, pour le dictionnaire le Toupie, consistant à désigner une norme, une règle, une prescription, ou une obligation, générale et permanente, émanant d’une autorité souveraine (le pouvoir législatif), et s’imposant à tous les individus d’une société . Serge Braudo définit la loi au sens large comme la disposition normative et abstraite posant une règle juridique d’application obligatoire. Tandis qu’au sens formel ou étroit, il trouve que la loi est une disposition prise par une délibération du parlement (assemblée nationale ou sénat) . La considération de la définition large de la loi telle que nous donnée par Braudo et la quasi-totalité de la doctrine peut nous pousser à croire que le droit c’est la loi. Or, le droit, selon la doctrine classique et dominante, se conçoit de façon objective et subjective. Objectivement, abdelhalim LARBI, définit le droit comme un ensemble des règles de conduite destinées à organiser la vie en société, et qui ont vocation à s’appliquer à toutes les personnes qui forment le corps social. Ces normes, ajoute l’auteur, sont énoncées de façon générale et impersonnelle, concernant chacun et ne s’adressant à personne en particulier . Le lexique des termes juridiques quant à lui conçoit le droit objectif comme un ensemble des règles visant à organiser la conduite de l’homme en société et dont le respect est assuré par la puissance publique . Pour le professeur YAV KATSHUNG, le droit objectif est l’ensemble de règles juridiques . Jean-Pierre Plavinet, maitre des conférences, définit le droit objectif dans un premier temps comme l’objet d’études et de connaissance, une discipline universitaire ; et dans un second temps comme l’ensemble des normes concernant la totalité des aspects de la vie dans la société humaine, dans certaines limites spatio-temporelles . Il s’ensuit que le droit objectif est celui qui limite, délimite la part de liberté individuelle et de contrainte de chaque membre de la société. Qu’il pourrait et devrait donc se définir comme l’ensemble des règles qui organise les relations des personnes vivant en société. Que c’est ainsi que la règle de droit objectif est reconnu au travers ces caractéristiques que sont : - La généralité ; - L’obligatoriété ; - La permanence ; - Et la coercivité S’agissant de la généralité, il est plausible d’arguer que le droit ne vise aucun groupe, ni une catégorie particulière des personnes, en principe , d’où il est abstrait. C’est ainsi que Aubert argue que la règle de droit concerne chacun et ne s’adresse à personne en particulier . Elle apparait donc, la règle de droit, comme une prescription impersonnelle ayant comme finalité toutes les personnes remplissant les conditions d’applications de cette règle. Qu’aussi de cette généralité, DJOGBENOU pense que la règle de droit est générale car elle n’a pas vocation à s’appliquer à une seule personne ou un individu. Dans la mesure où elle envisage de règlementer ou régir le groupe pressenti . L’obligatoriété quant à elle veut que pour tous ces destinataires, la règle de droit soit un ordre, un précepte devant s’appliquer. Il est pédantesque de dire que la règle, dans sa caractéristique obligatoire, impose soit une abstention soit une action. Enfin, il faille dire que le caractère obligatoire de la règle de droit conduit à deux types de règle savoir : la norme supplétive et la norme impérative . La permanence de la règle de droit est la résultante de son application constante au cours de son existence. La règle de droit a comme but gouverner l’avenir, donc à durer un certain temps. Cette permanence ne dit pas ou ne suppose pas que la règle de droit a vocation à exister ad aeternam vitam dans la mesure où elle a un début et une fin. Toutefois, au cours de son existence, la règle de droit doit s’appliquer. C’est ainsi que le juge ne pourra écarter une norme juridique, alors que les conditions de son application sont remplies, au motif que celle-ci est inopportune. Que la coercivité suppose une sanction chaque fois que la règle de droit est violée. Que cette sanction, dans un Etat, est l’œuvre de celui-ci, la puissance publique ou l’Etat, autorité émettrice de la règle. Qu’il sied de dire que le caractère contraignant de la règle de droit est étroitement lié au caractère obligatoire. Qu’enfin, il est important de souligner que le caractère contraignant, œuvre de l’Etat, de la règle de droit est l’élément distinctif de la règle de droit avec les autres règles que sont la règle morale, religieuse. Le droit subjectif quant à lui, estime PLavinet, est la prérogative attachée à un sujet de droit que l’on désigne par le terme personne . Ils sont très nombreux et font l’objet de classification. Et au nombre des droits subjectifs on retrouve les droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux. La doctrine classique trouve que le droit a comme source la constitution, la loi ou les actes ayant force des lois, les actes réglementaires, la coutume, la jurisprudence, les principes généraux de droit et la doctrine. Il se dégage donc de ce qui précède que la loi est comprise dans le droit. Qu’il en résulte que la loi n’est droit que dans son sens matériel alors que dans son sens formel la loi est comprise comme la norme émanante du pouvoir législatif et élaborée dans les formes prévues par la constitution . La notion de la loi ayant été cernée, il sied de traiter de la violation de la loi. b. La violation de la loi Il faut dire s’agissant de la violation de la loi, celle-ci se conçoit de la non application de la loi lato sensu ou stricto sensu. Elle peut appeler à des sanctions répressives quand c’est dans le cadre d’une loi pénale ; de même, elle peut appeler à une nullité d’un exploit de judiciaire quand elle est la résultante de la violation d’une mention prescrite à peine de nullité par la règle de procédure. Il est aussi plausible d’affirmer que généralement la violation de la loi en droit processuel est une cause d’ouverture de la cassation. En effet, l’article 95 de la loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétences des juridictions de l’ordre judiciaire dispose : « La Cour de cassation connaît des pourvois pour violation des, … de la loi ou de la coutume formés contre les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les Cours et tribunaux civils et militaires de l'ordre judiciaire ». Que la même loi donne le contenu de la violation de la loi en arguant dans son article 96 : « La violation de la loi ou de la coutume comprend notamment : 1. l'incompétence ; 2. l'excès de pouvoirs des Cours et Tribunaux ; 3. la fausse application ou la fausse interprétation ; 4. la non-conformité aux lois ou à l'ordre public de la coutume dont il a été fait application ; 5. la violation des formes substantielles ou prescrites à peine de nullité. ». TUKA IKA reprend la définition de BILE MPUTU de l’incompétence dans la mesure où il le comprend comme l’usurpation par un Tribunal des attributions conférées légalement à un autre. Cette incompétence peut être matérielle, temporelle ou personnelle. MATADI NENGA comprend l’excès de pouvoir comme l’exercice irrégulier par une juridiction de pouvoir qui lui est reconnu soit dans le dépassement de ce pouvoir en s’appropriant d’autres soit dans le fait de statuer au-delà de sa saisine. Elle peut aussi être constitutive de la violation d’un principe général de droit. Tout en reconnaissant la difficulté de finir l’excès de pouvoir, TUKA IKA le comprend comme le fait qu’un juge, même compétent, par son œuvre, méconnait sa mission et son caractère avec comme finalité agir au-delà et en dehors des pouvoirs qui lui sont conférés par le législateur . Quant à la fausse application de la loi ou de la coutume, Marcel LIHAU trouve qu’il est en fait question du juge du fond qui étend l’application d’une disposition de la loi ou de la coutume à un cas qui ne rentre pas dans une hypothèse pour laquelle a été prévue cette disposition ou du cas où le juge du fond ne tient pas compte d’une disposition de la loi ou de la coutume à appliquer au cas d’espèce. Elle suppose donc que le juge de fond ne qualifie pas correctement les faits soumis à son application ; en d’autres termes, le juge du fond ne tire pas de faits constatés par lui ou dont il a eu connaissance au cours de l’instance, les conséquences juridiques prévues par la loi ou par la coutume . MATADI NENGA ajoute que la fausse application de la loi n’est qu’une autre facette de la mauvaise interprétation de la loi dans la mesure où elle est une fausse interprétation de l’hypothèse envisagée par le législateur . S’agissant de la non-conformité aux lois ou à l’ordre public de la coutume dont il a été fait application, il est plausible de rappeler que les sources du droit sont hiérarchisées et que la coutume est une norme inférieure à la loi. Que c’est ainsi que toutes les normes inférieures sont appelées à se conformer aux normes supérieures sous peine d’être sanctionnées. Aussi, l’article 118, in limine, de la loi organique n°13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, fonctionnement et compétence des juridictions de l’ordre judiciaire veut que la coutume ne soit appliquée que par le juge lorsque celle-ci n’est ni contraire à la loi, ni contraire à l’ordre public. Si la première interdiction s’explique de par la pyramide de Kelsen, la deuxième est tout autre. En effet, l’ordre public, comme l’unanimité de la doctrine, n’est nullement définit en tant concept mais n’est cerné que par ses manifestations. Louis YUMA BIABA trouve que l’ordre public à trois composantes savoir la tranquillité publique, la salubrité publique et la sécurité publique . Léon KENGO WA DONDO , tout en reconnaissant la difficulté à définir l’ordre public, dit que c’est l’ensemble des règles essentielles à l’organisation de la société telle que le législateur la conçoit et auxquelles aucune convention ne peut déroger. L’ordre public ne serait pas limité à une région, il a le pouvoir d’absorber et d’éliminer toutes les règles impératives localement et régionalement déterminées par la coutume qui conviendraient à l’unité et à la nécessité sociales de l’Etat . Enfin la violation des formes prescrites à peine de nullité ou substantielles consiste, argue MATADI NENGA, pour une juridiction de fond de pouvoir se de saisir en prononçant alors que n’ont pas été respectées soit par le juge, soit par les parties les règles de procédure devant aboutir à la décision.

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    Brandonplero

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