LA DATION EN PAIEMENT : Mode de Sûreté et/ou Mode d’extinction d’obligation

1. Définir la dation en paiement

La dation en paiement est une opération juridique par laquelle en règlement de tout ou partie du montant de sa dette un débiteur cède la propriété d’un bien, d’un ensemble de bien ou droits, lui appartenant (1).

C’est de façon pratique que l’on a pu dégager la définition de la dation en paiement car de par son origine il est difficile de la définir exactement du fait de n’avoir pas était à une certaine époque défini par un texte ou loi.

Le droit congolais ne définit pas la dation en paiement. Néanmoins en analysant l'article 141 du code civil livre III, on comprend nettement que le législateur dans sa narration, exprime une pratique similaire à la dation en paiement sans pour autant la cité nommément.

Dans ce contexte, devrions nous dire que la dation en paiement, pris dans le sens de l'article précité, est un mode d'extinction d'une obligation ou garantie à une créance mais qui échappe aux actes uniformes dans leurs applications par rapport à l'article 10 du traité ?

Mais à l’évolution du droit, elle a pu trouver son assise dans le code civil français qui dispose que le créancier peut accepter de recevoir en paiement d’autre chose que ce qui lui est du. C’est ainsi que la dation en paiement s'est faite une place dans la réglementation de la vie sociale dans les rapports entre préteur et emprunteur et même tierce personne. Mais alors, située la dation en paiement comme une sûreté ou mode d’extinction d’obligation et ceux à quoi nous exposerons. En sus, situé son contexte d’application dans l’espace.

2. Nature juridique de la dation en paiement

Pour certains, la dation en paiement présente une nature hybride, sa définition ou son application de remplacer ce qui est du par un autre bien, pour une finalité qui est celle d'éteindre une obligation, fait qu'elle soit assimilée à la novation (2). Elle apparait aussi comme une vente mais en gardant la différenciation qui en ressort.

Une certaine doctrine s'appuie sur une trilogie dont notamment la novation, la vente, et le paiement pour affirmer, tant soit peu la nature de la dation en paiement comme un mode d'extinction d'une obligation au regard du caractère similaire qu'ils développent.

Analysant de plus près l’aspect similaire, la dation en paiement est moins similaire à la novation, mais l'est par rapport à la vente. La novation qui s'opère de trois manières, vise le remplacement d'un débiteur par un autre, la contraction d'une autre créance qui éteint l'ancienne ou un autre créancier.

Tandis que dans la vente, l'on se convient sur l'objet et le prix mais aussi le transfert de propriété. Le créancier détenteur d'une créance peut accepter de faire substituer ce qui lui est dû à une autre chose afin d'éteindre l'obligation qui pèse sur son débiteur, en devenant propriétaire du dit bien lorsque le délai de paiement est dépassé. De ce fait, il s'opère un transfert de propriété entre le débiteur et le créancier.

Au regard de ces éléments dont le mécanisme de paiement ordinaire produisant des effets extinctifs de l’obligation du débiteur mais également translatif c'est-à-dire lié au transfert de la propriété, eu égard, pourrions-nous conclure que la dation en paiement est un mode d’extinction d’une obligation ?

L’affirmation à cette question parait juste. Cette affirmation tire son fondement dans sa définition nouvelle après évolution du droit car la finalité est celle d’éteindre une obligation. A cet effet on constate qu’elle est encore un peu plus proche de la vente que la novation.

Cependant, la nature de la dation en paiement en droit congolais est un mode d’extinction d’obligation. L’article 141 est la confirmation parfaite de la dation en paiement comme un paiement pouvant éteindre une obligation nonobstant le fait qu’elle ne soit citée nommément.
Ainsi, il est dès lors important de ressortir son application

3. Situer son contexte d’application dans le temps et dans l’espace

Le législateur communautaire évoque la dation en paiement de façon épistolaire alors qu’elle connait une ascension considérable dans son usage dans la pratique des créances surtout pour les établissements financiers.

L’acte uniforme de sûreté en son article 36 al.2 dispose : « …la dation en paiement libère définitivement la caution même si le créancier est ensuite évincé de la chose acceptée par lui. Toute clause contraire est réputée non écrite »

La dation en paiement semble portée confusion dans le sens où, l’on croirait de la manière dont elle est reprise, elle serait tout aussi une forme de sûreté ou garantie. A cet effet, nous estimons qu’elle peut l’être dans ce contexte évoquée par cet alinéa aux vues de sa complexité dans sa définition mais aussi par sa nature juridique que le législateur ne s’est évertué à définir au préalable.

Nous référant à la loi togolaise n°88-02 du 20 avril 1988 qui évoque clairement la dation en paiement comme une sûreté. Cet ainsi que dans l’affaire entre deux sociétés togolaises, le juge togolais avait autorisé la dation en paiement pour le compte d’une société qui est une banque en raison de sa créance, en le prenant comme une sûreté au regard de la loi sus évoquée. Le juge de référé saisi en recours contre cette ordonnance, va rendre une décision en rétractation de ladite ordonnance sur la dation en paiement au motif que cela ne relève pas du droit interne mais du Droit Ohada et que cette disposition de la loi togolaise semble contraire aux dispositions de l’Acte Uniforme sur les Suretés en son article 4 mais aussi l’Acte Uniforme sur le recouvrement en application de l’article 10 du traité. La cour d'appel togolaise va par la suite infirmer l'ordonnance en rétractation s'appuyant sur les moyens évoqués dans l'ordonnance prise en premier lieu.

La CCJA saisi par rapport au dit litige, va dans son arrêt du 22 février 2018 n°41/2018 confirmer la décision rendue par le 1er juge, annulant la dation en paiement au motif qu’elle ne relevait pas du droit communautaire comme une sûreté moins encore une procédure de recouvrement.

La CCJA en prenant cette décision a levée tant soit peu une équivoque dans la mesure où, elle ne fait pas de la dation en paiement un mode de sûreté ni moins encore un mode de recouvrement. Ainsi, il parait plus opportun de se pencher sur la question en créant un cadre légal à la dation en paiement, lequel cadre permettra de mieux la situer dans son application.

De façon approfondie la dation en paiement telle que repris à l’alinéa 2 de l’article 36 est évoquée comme un paiement avec comme conséquence l’extinction d’une obligation liée à la caution suite à l’insolvabilité du débiteur principal.

La pratique de la Dation en paiement fait l’objet de plusieurs contestations à ce jour devant les instances judiciaires. Si vrai qu’elle est l’œuvre d’un consentement entre deux parties c’est-à-dire une liberté contractuelle de deux parties qui se constate par accord de volonté, mais sa constitution en pose problème.

Le fait de présenter la dation en paiement dans un acte juridique séparé ou postérieur au contrat originaire fait d’elle une sûreté du fait de la condition suspensive d’inexécution qui se constate dans le contrat. C’est-à-dire la dation en paiement ne peut être faite que sous forme d’une clause insérée dans le contrat originaire.

Un séminaire tenu au Cameroun en 2018 évoquait l’urgence d’une réponse aux difficultés de recouvrement des banques après octroi des crédits avait institué le pacte commissoire comme solution efficace pour pallier aux difficultés de recouvrement des créances… »(3).

Le pacte commissoire est défini comme une convention conclue entre le constituant et le créancier lors de la constitution de l’hypothèque, ou postérieurement par voie d’avenant, aux termes de laquelle le créancier, en cas de défaillance du débiteur, deviendra automatiquement propriétaire de l’immeuble hypothéqué (4).

Fondant le raisonnement sur l’article 199 de l’AUS qui dispose : « A condition que le constituant soit une personne morale ou une personne physique dument immatriculée au registre de commerce et du crédit mobilier et que l’immeuble hypothéqué ne soit pas à usage d’habitation, il peut être convenu dans la convention d’hypothèque que le créancier deviendra propriétaire de l’immeuble hypothéqué. A l’issue d’un délai de trente jour suivant une mise en demeure de payer par un acte extra judiciaire demeurée sans effet, le créancier pourra faire constater le transfert de propriété dans un acte établi selon les formes requises par chaque état partie en matière de transfert d’immeuble ».

L’alinéa 2 ressort une similitude entre le pacte commissoire et la dation en paiement par les éléments qui le caractérisent tel que le transfert de propriété, l’extinction de l’obligation ainsi que l’accord de volonté qui se constate par un écrit ou contrat. De ce fait la dation en paiement insérée dans un contrat d’hypothèque est assimilée au pacte commissoire car l’attribution conventionnelle d’un immeuble ne peut être faite que dans une convention d’hypothèque et la clause du pacte commissoire ou dation en paiement, tel que l’atteste une jurisprudence de la CCJA, 2e ch., n°168/2021 rendue suite à l’arrêt de la Cour d’Appel de Bamako n°11 du 6 mars 2019.

Ayant évoqué l’article 36 alinéa 2 de l’acte uniforme sur les sûretés, la dation en paiement ne saurait s’opérée que si et seulement si elle est une clause insérée dans la convention de cautionnement pouvant permettre au créancier de se faire payer et d’éteindre l’obligation contractuelle.
Sans nul doute, la liberté contractuelle est la volonté des contractants dans un acte juridique à laquelle, la volonté des parties doit être exécutée sous condition de respect des textes. Le législateur communautaire n’ayant nullement défini la dation en paiement dans son application, laisse une situation de cacophonie où la pratique semble poser problème et fait objet de contestation. La dation en paiement qui est similaire à beaucoup de concept entre autre le pacte commissoire, se crée de plus en plus une place importante. De façon évidente, la dation en paiement dés lorsqu’elle est faite de façon séparée au contrat originaire, la conséquence est qu’elle doit être annulée du fait de la condition suspensive d’inexécution dans le contrat et est dans ce cas une sureté alors que n’étant pas prévue par l’acte uniforme sur les sûretés en droit Hoada. Le législateur devra dans ce cas fixer les praticiens sur la situation de la dation en paiement même si elle est un mode d’extinction d’obligation et que son usage ou application ne peut être faite que comme une clause clairement insérée dans un contrat (5).

Me MUYA MULUMBA Chancel / Avocat au Barreau de Kinshasa Matete
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Serge Braudo, Bauman : dictionnaire du droit privé,
2. www.cabinetaci.com. qu’est ce que la dation en paiement,
3. Séminaire sur le recouvrement des créances ohada/pacte commissoire/problématique de la facilitation de la réalisation des garanties par voie extrajudiciaire en recouvrement des créances ohada,
4. Pierre Crocq, le nouvel acte uniforme portant organisation des sûretés :la réforme du droit des sûretés de L’ohada, ed., collection lamy, 2012, p.294,
5. Marc BOUDREAULT « La détermination du moment ou prend effet une clause de dation en paiement », Revue générale de droit, 1983, p.7


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